de David Bosc.
Le paysage tout autour du ventre.
C’est toujours un bonheur et une grande émotion d’ouvrir un volume de chez Verdier. La légende dit qu’on est conquis dès la première phrase, et La claire fontaine confirme la légende. Le roman raconte (si on peut dire) les quatre dernières années de la vie de Gustave Courbet, après sa fuite d’Ornans et son installation en Suisse. Pour qui ne connaît pas la vie du peintre (et c’était mon cas), le texte de David Bosc est en maints endroits assez abscons, mais la prose est tellement fougueuse et habitée, qu’on serait assez mal avisé de faire la fine bouche.
La claire fontaine aurait pu tomber dans le piège de ces biographies « crac crac badaboum », écrites sur un rythme trépidant et plein d’humour, enlevé et jouasse, mais qui peinent tant à mettre de la distance avec leur personnage. Le peintre Gustave Courbet est en effet suffisamment truculent, terrien, plein de vie et d’énergie pour inspirer n’importe quel biographe épris d’aventure. Mais David Bosc réussit à échapper au cliché et à la facilité en déployant une écriture navigant en permanence entre le factuel et le sensoriel.
On sent l’auteur véritablement pénétré par l’œuvre du peintre, une œuvre naturaliste, qui a beaucoup choqué et choque encore par sa crudité et son adéquation au réel. Et c’est la grande réussite de David Bosc qui parvient à puiser l’énergie du peintre, de son œuvre et de transformer ça en littérature, de digérer la peinture, de digérer la biographie et de faire de tout ça une œuvre littéraire à part entière, hommage au peintre et à son œuvre, mais jamais hagiographie. Courbet était un peintre réaliste car c’était sa manière d’être, entièrement dans la vie, dans le monde, dans l’instant. C’était un être charnel, en prise avec la nature, non pas au dessus d’elle, mais véritablement dedans, adorant se baigner dans la moindre source, la moindre mare, le moindre lac, autant qu’il aimait se baigner dans le corps des femmes, cette source de vie, l’origine du monde.
L’écriture de David Bosc est une célébration, célébration du peintre et de son œuvre, mais aussi de sa façon de se mouvoir au monde, poétique et terrienne, libre de toute contrainte chronologique et formelle et qui réussit à faire renaître, le temps de cette centaine de pages, quelque chose de l’esprit du peintre.
Ed. Verdier
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