de Jonathan Wable.
Comme certains (enfin surtout un) lecteurs de Racines se plaignent du manque de chroniques dédiées aux nouvelles (ce qui est un reproche d’une injustice sans nom soit dit en passant), voici donc une chronique dédiée à Six photos noircies, petit objet littéraire tout à fait singulier.
A mi-chemin entre le recueil de nouvelles à proprement parler et le roman, le livre présente quelques épisodes des vies tumultueuses de Valente Pacciatore et Tirenzio Perochiosa, personnages mystérieux, respectivement biologiste et médecin. Leurs destins ne se croiseront qu’à l’occasion d’un seul texte, les autres étant dédiés soit à l’un ou l’autre de ces deux personnages. Le livre peut donc être lu soit comme un ensemble de nouvelles distinctes, soit comme un tout cohérent, comprenant la présentation en avant-propos de nos deux héros ainsi que les épisodes les plus marquants de leur vie et de leur mort.
Valente et Tirenzio sont tous deux attirés par le bizarre, l’horrifique et n’ont de cesse de le traquer aux quatre coins de la planète. L’imagination dont fait preuve l’auteur est sombre, torturée et dresse le portrait d’une humanité perverse et/ou pervertie : nobliaux cannibales, meurtriers en série, créatures chimériques, chanteuses chasseuses, parasites en tous genres. Chaque épisode est situé dans un lieu différent, qui lui donne son titre, lieu réel ou peut-être pour certains imaginaires.
Les textes sont des miniatures parfaitement bien composées, révélant un art de la nouvelle tout à fait intéressant. L’ensemble du recueil dessine une géographie au sens premier du terme (on y voyage beaucoup), mais également une géographie psychique, une cartographie des noirceurs de l’âme humaine. On pense à Poe évidemment, Maupassant ou bien Krzyzanowski. Mais la forme hybride du recueil entre nouvelles et roman avec ce fil conducteur que constitue le destin des deux personnages apporte une vraie originalité à cet objet littéraire et surtout un réel mystère, puisque, au-delà des épisodes racontés avec précision, minutie et concision, le lecteur essaie de démêler les fils lui permettant de comprendre le parcours de ces deux aventuriers.
Une bien intrigante découverte.
Ed. Attila