de Michel Houellebecq.
De même, un livre qu’on aime, c’est avant tout un livre dont on aime l’auteur, qu’on a envie de retrouver, avec lequel on a envie de passer ses journées.
Je sens déjà les quolibets, les ricanements goguenards, le froncement de sourcils, la moue un peu dégoutée de certains de mes lecteurs. Mais voilà. Soumission est un excellent livre, infiniment drôle, intelligent, lucide et désespéré.
La Carte et le territoire ne m’avait pas totalement convaincue, brillant certes, mais aussi relativement barbant. Rien de tel ici grâce à une construction au cordeau, une dramaturgie implacable. Michel Houellebecq mêle avec brio les divagations universitaires à propos de Huysmans de son protagoniste, professeur de littérature à la fac, et récit des événements politiques qui bouleversent la France. Cette étude de l’œuvre de Huysmans, l’étude de toute une vie, sert de moteur à l’action et de révélateur au narrateur.
Que l’histoire politique puisse jouer un rôle dans ma propre vie continuait à me déconcerter, et à me répugner un peu.
Nous sommes en 2022. Notre professeur a passé toute sa vie dans le cadre scolaire, dans l’étude d’un auteur. Le reste de sa vie est également cadré, encadré, de manière consciente ou inconsciente : parties de baise avec les étudiantes, sorties au centre commercial, visites touristiques téléguidées. Soumis à son étude, son train-train, la codification du quotidien. Mais l’étude s’achève et la codification du quotidien change. La politique a changé, le cadre a changé et d’une soumission à l’autre, le professeur s’adapte, car finalement, libre il ne veut pas l’être.
Je ne sais plus qui a écrit que Soumission ne disait rien de demain, mais beaucoup d’aujourd’hui. C’est tout à fait juste. Soumission dit aussi beaucoup de la faiblesse de l’humain et de son besoin de cadre, de se raccrocher à quelque chose de simple, confortable, codifié. Le roman apparaît ainsi comme le parcours d’un gars finalement assez médiocre dans un contexte politique changeant.
Soumission est irresponsable, provocateur, sans doute, drôle, irrévérencieux, sans aucun doute, intelligent et émouvant absolument et donc quelque part indispensable.
Je n’avais même pas envie de baiser, enfin j’avais un peu envie de baiser mais un peu envie de mourir en même temps, (…)
Ed. Flammarion
Une réflexion sur « Chronique livre : Soumission »