Chronique film : Joyeuses Funérailles

de Frank Oz

Pas la peine de palabrer sans fin sur cette comédie britannique, assez réussie. Je m’attendais à un n-ième remake de Quatre mariages et un enterrement, humour fin, et petit doigt en l’air, ce n’est pas le cas. Beaucoup plus régressif, Joyeuses Funérailles est une comédie efficace et rythmée, servie par des acteurs assez inspirés. Le film s’essaie (un peu) au politiquement incorrect, le gros méchant, est un nain homosexuel et maître chanteur, l’étudiant en pharmacie fabrique des ecstas dans son salon, et on apprend que le meilleur moyen pour arrêter dans son élan un pasteur, c’est de lui confesser qu’on se fourre des stylos bic dans le cul. La Cup of Tea est assez loin, mais la mise en scène serrée, réussit à mener à bien plusieurs historiettes parallèles avec un certain talent. Un film du dimanche soir quoi, sympathique et vite oublié.

 

Chronique film : Un homme perdu

(2007) de Danielle Arbid

Cette fois ci le pifomètre a plutôt pas mal marché. Voilà un film qui doit être projeté dans 5 salles, qui fera sans doute mois de mille entrées. Dommage. Le titre est mensonger. Des hommes perdus, il y en a deux dans ce film. Thomas, un « photographe » français qui a largué femme et enfant, pour des errances photographico-sexuelles au Moyen-Orient (on ne peut pas dire qu’il ait choisi la facilité, tout de même), et Fouad, son compagnon de hasard. Taciturne, mystérieux, ou vraiment amnésique, Fouad fuit. Quoi, on ne sait pas. D’abord obsédé par ses ébats, l’attitude indéchiffrable de Fouad, amène Thomas à vouloir percer ses secrets.

Un homme perdu est un film opaque qui ne dévoile pas ses cartes de suite. Ce n’est pas un film confortable, dans lequel on nous amène tout sur un plateau. On ne comprend pas grand chose à ces pays traversés, on suit l’itinéraire de ces hommes, en spectateur voyeur, comme Thomas et son appareil photo indiscret et impudique. Thomas, c’est un peu l’occident, qui se croit tout permis, et prend ce qui l’intéresse, sans vraiment se rendre compte de ce qu’il fait. Il est incapable de regarder les choses en face, comme il est incapable de regarder les femmes de face quand il leur fait l’amour. Fouad, le Moyen-Orient, est incapable de guérir ses blessures, et fuit indéfiniment son passé. Le raccourci est facile, mais le film ne l’est pas.

Les scènes de sexe sont assez belles, violentes en même temps que tendres, et dérangeantes avec cette présence constante de l’appareil photo. Mon coeur de midinette a été renversé par les acteurs, Melvil Poupaud, qui sans bouclette est infiniment plus sexy, et Alexander Siddig, impénétrable. La musique à 2 balles est à oublier vite fait. Pas le chef d’oeuvre du siècle, mais un film suffisamment intéressant pour qu’on lui consacre 1h32. Et très bonne surprise, dans un second rôle, la sublime actrice Darina Al Joundi qui m’avait bouleversé dans sa pièce « Le jour où Nina Simone a cessé de chanter ».

Chronique film : 4 mois, 3 semaines, 2 jours

(2007) de Cristian Mungiu

Le voilà mon grand film de la rentrée. La déveine ne pouvait pas durer autant, je commençais à me demander si le cinéma n’était pas mort, et bien non, une bouffée d’oxygène provient du pays le plus triste de l’Est. Je dis bouffée d’oxygène, mais j’ai passé 1h53 en apnée.

4 mois, 3 semaines, 2 jours se déroule dans la Roumanie de 1987. Déjà c’est un choc, en 1987, la Roumanie ressemblait déjà à celle que j’ai connue en 1994. Barres de béton, délabrées et sans lumière, sol terreux, polenta, marché noir pour acheter un savon Lux (je vous jure, en 1994, les savons Lux portaient bien leur nom, sur des présentoirs derrière des vitrines de verre), cigarettes, et avortements. Ville privée de sa personnalité, de sa liberté de choix, de sa faculté de penser.

Le regard de ce film, d’une neutralité glaçante est un calque des sensations que m’avait procuré ce pays : indifférence totale, dépersonnalisation de l’individu. Pourtant, dans ce marasme glauque, une personne va prendre des initiatives pour sauver la mise à une de ses amies, enceinte, et sur le point de se faire avorter. Otilia a le visage fermé, et un sang froid à la limite de l’humainement possible. Elle court, négocie, paie un prix insensé sa loyauté envers son amie (dans la merde la copine, mais finalement assez gonflante, et on en vient, de manière assez malsaine, à douter de sa bonne foi).

Les plans, s’étirent à n’en plus finir sur des situations insupportables qui donnent envie de hurler, on est asphyxié par ces cadres immenses remplis de vide et d’horreur. Lorsque le cadre se remplit, c’est Otilia qui craque. Finalement le retour au monde réel est trop difficile, elle est déjà partie très loin, sa prise de conscience de l’équilibre instable des choses est brutale. Grand film de cinéma, incroyablement dérangeant par sa neutralité, Mungiu a bien mérité sa palme. Et une révérence à Anamaria Marinca, immense.

A lire, la bien bonne critique du bien bon Gols. .

Chronique film : Nos Retrouvailles

 (2007) de David Oelhoffen

Quelle catastrophique rentrée cinéma que la mienne, après Boarding Gate, Les Amours d’Astrée et de Céladon, voici Nos Retrouvailles, film platounet et désincarné sur les retrouvailles entre un père lâche et louche et son fiston, sérieux et blanc-blanc comme du bon pain.

Ce n’est pas tant l’histoire qui fait bailler d’ennui, mais bien la manière de la filmer, toujours en gros plans très serrés, comme pour attraper une émotion désespérément absente. Le réalisateur confond proximité et plans rapprochés, et en oubliant le corps de ses acteurs il dissémine toute la substance de son film. Il y avait pourtant, potentiellement, un beau coup à jouer, sur l’ambiguïté de ce père, manipulateur ou faible, sur ce gamin avide de ce père absent, mais qui saura s’en détacher au bon moment.

Gamblin est complètement à l’ouest, pas ou mal dirigé. Nicolas Giraud, bien meilleur, tour à tour innocent et rebelle, réussit cependant difficilement à se faire une place au soleil. La scène du braquage, utilisant plus ample dans les cadrages, plus dynamique arrive trop tard pour sauver le film. Alors, à la vision de tous ces hommes sans corps, on songe à une magnifique phrase de Gols, écrite récemment : « Le cinéma ne devrait être que ça : l’enregistrement de corps en mouvement. » David Oelhoffen devrait peut-être l’écrire 100 fois sur un cahier d’écolier.

Chronique film : Les Amours d’Astrée et de Céladon

(2007) d’Eric Rohmer

18780570_w434_h578_q80

Mettons que vous êtes prof dans un collège et que vous avez un grand sens du devoir. Vous sélectionnez dans votre classe les élèves qui savent lire, et un texte du programme qui ne demande pas d’avoir vécu la guerre. Ensuite, pour les costumes, comme vous n’avez pas beaucoup de sous, des bouts de draps suffiront. Le projet prend de l’ampleur, le prof fana d’audiovisuel s’en mêle, et même le prof de musique veut apporter ses notes à l’édifice.

Voilà. C’est ça les Amours d’Astrée et Céladon. Alors comme dans un spectacle scolaire, il y en a qui s’en sortent mieux que d’autres (les membres du club théâtre), et les autres. Évidemment, le jeune premier et la jeune première compensent leurs avantageux physiques par un ânonnement laborieux. L’apparition du sein de la damoiselle (fort joli, il faut le reconnaître) sauve fort à propos l’intérêt du public grabataire et stimule la plume du critique intello. Le jeune éphèbe ne se désape pas, faut pas non plus aller dans la provoc.

Alors oui, c’est vrai, c’est frais. Très frais. La toute fin est mignonnette comme tout, et distille une subtile et troublante sensualité. Reste qu’on passe quasiment 2h à tenter de réprimer un fou rire naissant, ce qui se révèle très délicat lorsque les protagonistes poussent la chansonnette. On reste vaguement accroché jusqu’à ce que le druide explique le cortège divin des Celtes. Là, c’est la débâcle. Enfin, il faut avouer que, pour qui n’osera pas s’attaquer aux quelques 5000 pages du roman pastoral d’Urfé, ça peut se révéler utile. C’est pas tous les jours qu’on peut substituer à la lecture d’un bouquin un film de Rohmer pour remplir une fiche de lecture.

18784875_w434_h289_q80