Chronique film : Antonio das Mortes

(1969) de Glauber Rocha

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Bon, je dois vous avouer que je me suis faite avoir, je pensais visionner un western, je tombe sur un truc brésilien impossible. Antonio das Mortes est un mélange de Leone, Demy, saupoudré de Nouvelle Vague, et assaisonné au folklore brésilien.

Antonio, mercenaire de son état, est chargé d’éliminer une bande de va-nu-pieds, habillée en carnaval. Après en avoir tué un, il est pris de remords, et croit voir dans une des nanas du groupe, une sainte. Ça peut paraître bizarre, étant donné que la nana ressemble à PJ Harvey, avec un abat-jour en dentelle blanche sur la tête. M’enfin, faut pas le contrarier visiblement. Bref.

Film d’une grande hétérogénéité, réalisés avec un bout et demi de ficelle, il faut bien avouer que la sauce prend assez bien. Pourtant, ça ne ressemble à rien, c’est un patchwork d’influences diverses et a priori incompatibles. Esthétiquement, c’est une horreur sans nom, couleurs criardes dans un paysage terne, costumes d’un moche achevé, qui devraient faire fuir toute personne non daltonienne. Cependant, par une espèce de miracle, de sincérité, de poésie, l’ensemble n’est jamais ridicule, et l’intérêt ne lâche pas souvent.

Le film mélange scènes très statiques et corps à corps troublants, monologues et scène de foules pas très conventionnelles mais qui fonctionnent assez bien. Le film fait d’ailleurs écho au tripal « Cruda. Vuelta y vuelta. Al punto. Chamuscada » de Rodrigo Garcia. Je ne doute pas que, comme dans la pièce de Rodrigo, il y ait un discours social et politique très important dans le film, mais comme je connais aussi bien l’histoire brésilienne que l’histoire du Tadjikistan, ça n’aide pas.

Enfin, on peut reconnaître à la musique traditionnelle brésilienne, d’être autrement moins chiante que le biniou. Le même film tourné en Bretagne, je répondais plus de mes actes.

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Chronique film : L’Hôpital et ses fantômes

 (saison 1) – 1994 de Lars Von Trier

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Alors là, je dois vous dire que je suis bluffée. L’Hôpital et ses fantômes n’a pas pris un quart de ride en treize ans. Vue religieusement sur Arte lors de sa sortie en France, conservée avec dévotion sur des VHS aujourd’hui probablement moisies, et achetée en DVD en guise d’auto-cadeau d’anniversaire par votre hôtesse la semaine dernière, c’est avec jubilation que j’ai revisionné les 4 épisodes de cette première saison.

Kingdom Hospital ne ressemble à rien qu’à lui-même, et ce n’est pas la pâlichonne copie américaine qui pourra dire le contraire (d’ailleurs, je me suis aperçue que tous les trucs réussis de l’ersatz viennent directement de chez Von Trier, à sa place, mes chevilles enfleraient sévère). L’idée d’un hôpital labyrinthique, peuplé de médecins fêlés, et de fantômes qui ne trouvent pas la paix, ressemble soit à l’exorcisme d’une phobie, soit à un gag de potache. Il semble que ce soit un peu des deux, brillant exercice de mise en scène, et récréation après et avant la réalisation de films beaucoup plus « sérieux ».

Le style Von Trier est déjà très affirmé. Image cradingue d’un orangé assez immonde, qui contraste avec les habituelles représentations de l’hosto (l’asepsie au Kingdom Hospital ne semble pas être une grande préoccupation de ses occupants), caméra à l’épaule, cadrages improbables et géniaux, rareté de la musique (mais quelle musique ! les deux accords de violon me trottent depuis quatre jours dans la tête), Lars Von Trier s’amuse, sans se foutre de la gueule du spectateur. Bien que mis sur pied avec deux bouts de ficelles, c’est très intelligemment tourné, très intelligemment monté, bourré d’inventions autant dans la mise en scène que dans le scénario. Bref, on est dans le très grand divertissement.

Tous les personnages, de la moindre infirmière au grand chef de service sont parfaits, interprétés par des acteurs assez incroyables. Ils y croient à leurs personnages fous, et du coup nous aussi. Von Trier ne laisse aucun détail au hasard, il n’y a qu’à voir le grand sourire de soulagement de l’étudiante en médecine qui ne supporte pas la vue du sang, lorsque le cours de dissection est annulé. On est pourtant en plan large, elle est en haut à droite de l’écran, mais elle est là quand même. Bravo.

Bien que l’Hôpital et ses fantômes ne soient pas une série à thèse, Trier en profite pour se moquer de ses voisins les Suédois (à moins qu’il ne se foute carrément de la gueule de ses compatriotes, ce n’est pas à exclure), des sociétés secrètes qui permettent à leurs membres une relative impunité, du système hospitalier à la hiérarchie oppressante etc, etc. Lors du générique de fin, c’est Trier lui même, l’oeil moqueur, qui nous convie à visionner la suite de la série. Comme dans Le Direktør, il tient bien à nous préciser que c’est lui le patron, même s’il est affublé d’un noeud pap’ immonde. Il aime manipuler les spectateurs marionnettes, et ça marche. Bon c’est pas tout ça, mais il me reste encore quatre épisodes à voir.

Chronique film : Pink Floyd The Wall

d’Alan Parker

Je m’apprête à mettre en rogne au moins 4 de mes plus fidèles lecteurs, mais que voulez-vous, ce classique des classiques m’est un peu tombé des yeux. Ayant passé des heures dans mon canapé, la larme à l’œil, à me sentir comfortably numb, et à errer dans la rue en fixant les gens du regard avec l’envie de leur gueuler « Hey you… », j’attendais beaucoup du film.

Intelligent dans la forme, audacieux, explosé et pourtant finalement très cohérent, force est de constater que le film a pourtant terriblement vieilli. Et il ne date seulement que de 1982… A part le procès final, les passages animés sont assez laids, mous du genou et phagocytent complètement la musique. Trop figuratives, explicatives, parfois lourdingues, les images réussissent à faire paraître ringarde la musique du Floyd, un comble pour ce chef-d’œuvre intemporel.

En fait, le film ne trouve une vraie profondeur et une vrai poésie que dans le silence, ou les mélodies légères et désespérées. Voilà voilà… vous trouverez une bonne analyse du film ici. Et en attendant que mes lecteurs lâchent leurs chiens sur moi, j’m’en vas réécouter The Wall, allongée sur mon canapé, avec un lait soja à boire à la paille.