Chronique film : Lady Chatterley

de Pascale Ferran

Mi-hasard, mi-volonté, j’ai enfin pu voir ce beau film de Pascale Ferran que j’attendais depuis longtemps, le jour même où j’achève le roman de D. H. Lawrence (petite bafouille ici). Ferran ne se base pas directement sur cette troisième version du roman connue du public, mais sur la deuxième « Lady Chatterley et l’homme des bois », visiblement un peu plus « brute ».

Mellors, s’appellant ici Parkin, est loin du mystère vaguement raffiné du personnage de la troisième version. C’est un être massif, taciturne, et inculte qui n’a en apparence aucun des attraits qu’on pourrait croire susceptible d’attirer Constance (Connie ici… prénom bien choisi). Elle est d’ailleurs également moins femme, et plus enfant, moins vive, plus mutique, vaguement opaque malgré sa grande candeur.

Tout le contexte historique est expédié en quelques scènes et répliques et n’intéresse visiblement que peu Ferran. Elle s’est focalisée sur cet éveil de la chair, la naissance progressive de la sensualité. Comme dans le roman, la nature est omniprésente, cocon douillet, énergie vitale, moteur de cet épanouissement. C’est très lent et très beau, on entend respirer le monde. La campagne limousine ressemble assez beau à la campagne anglaise, mais c’est égal. Cependant, on peut regretter la présence omniprésente de l’environnement minier du roman, rendant encore plus vital cette communion avec la nature.

Marina Hands campe une belle (trop belle ?) Lady Chatterley. Elle est magnifique au début du film, avec sa démarche hésitante entre les arbres, la douceur de son regard, vaguement apeuré, elle est magnifique également dans toute cette découverte corporelle, vraiment parfaite. A la fin du film cependant, en quelques dialogues elle a un peu tendance à se tautouiser, ce qui est agaçant. Hippolyte Girardot, en 3-4 scènes prouve encore à quel point il est un grand acteur. Hélène Fillières par contre, est complètement à côté de la plaque, dommage. Parkin/Mellors est interprété par Jean-Louis Coulloc’h à la présence physique incroyable. Il arrive à rendre bouleversantes des scènes qui auraient facilement pu sombrer dans le ridicule (quand il couvre le corps de Connie de petites fleurs avec ses grosses paluches, c’est totalement émouvant).

C’est ça qui est assez surprenant dans ce film, une tendresse, une modestie à juste raconter cette histoire, à filmer de manière assez crue, et pourtant en toute pudeur ces personnages si mystérieux, et pourtant très simples et beaux. Beau également le fait de tourner façon « film de vacances » le voyage de Connie dans le sud de la France. Sa vie réelle est intimement liée à Mellors et à la forêt du domaine, tout ce qui ne se rapporte plus à lui n’est plus sa vie à elle. Une simple parenthèse. Lady Chatterley n’est pas un film parfait, mais lumineux et tendre, et c’est déjà beaucoup.

Chronique film : The Last Show ( A Prairie Home Companion )

de Robert Altman

C’est avec un pincement au cœur que je me suis dirigée vers le cinéma ce soir. Ben oui, voir le dernier Altman, c’est quelque part réalisé qu’il n’y en aura plus d’autre (vu le retard altmannien que j’ai, y’a de la marge, ok, mais quand même…). C’est donc toute attendrie que je me suis installée dans la salle, je n’ai même pas gueulé contre le géant qui s’est assis devant moi alors qu’il n’y avait encore personne, et me suis contentée de changer de siège.

Bref. Commençons par le commencement : le titre. Je faisais remarquer la semaine dernière la futilité de la traduction de « The departed » en « Les infiltrés ». Cette semaine, je m’insurge ! Le distributeur (?) a réussi à traduire le titre américain « A Prairie Home Companion » en… un autre titre américain, plus bateau tu meurs « The Last Show »… bon j’avoue que là, la logique m’échappe totalement.

 

« A Prairie Home Companion » (APHC pour les intimes) est le nom d’une émission culte et kitsch de la radio américaine. Se déroulant en public, elle présente en direct, et devant des millions d’auditeurs chansons country, et pubs pour du ruban adhésif. Altman et Garrison Keillor (le vrai présentateur de l’émission) ont scénarisé une fausse dernière émission. APHC mêle vrais protagonistes de l’émission et acteurs chevronnés et brillants.

On connaît depuis longtemps le goût d’Altman pour les films choral, géniaux (Short Cuts, Gosford Park) ou assez ratés (Company). Dès le début de APHC, on est plongé dans l’effervescence des coulisses avant le début de l’émission. La caméra passe de l’un à l’autre, souvenirs épars, papotages, arrivée des artistes, et sur tout ça, l’ombre d’une rumeur « ce serait la dernière émission »… Puis l’émission commence, et les choses se calment, les chanteurs attendent, aiment, bavardent.

C’est beau et c’est tendre, intime comme pas possible. La mise en scène est classe et discrète, avec un sens du cadre qui ravit l’œil, et une photo dans les tons bruns qui est magnifique. Les décors sont vraiment réussis, impressions de vécu, photos jaunies aux murs, un voile qui vole devant un ventilo…mille petits détails inutiles donc indispensables.

APHC est un film qui déborde de tendresse, regard tendre sur ces personnages et sur des acteurs en état de grâce. Kevin Kline est inimitable en détective grotesque et gaffeur, mais au sens du rattrapage certain, Meryl Streep a l’œil humide en permanence et tchache sans arrêt sans que ça n’intéresse personne, et son duo avec Lily Tomlin restera dans les annales. Citons également le duo Woody Harrelson et John C. Reilly (transfuge de Paul Thomas Anderson) en cow-boys branques (lefty et dusty qu’ils s’appellent), qui balancent des blagues ras les pâquerettes, au grand dam du réalisateur, et à la grande joie du bruiteur qui accompagne tout ça de manière suggestive.

A noter que Paul Thomas Anderson, autre maître du film choral (ahhh Magnolia) a assuré le suivi du tournage en cas de défaillance d’Altman…il s’en est fallu de peu. Alors oui, le film est peut-être un tout petit peu trop long, oui il ne faut pas être allergique à la country (au bout d’une heure quarante Altman lui-même a du en avoir ras le bol, il a mis du jazz au générique de fin), mais il reste un film vivant, très joli, très doux. Beau testament pour ce grand monsieur du cinéma.

Chronique film : Les infiltrés (The Departed)

de Martin Scorsese

Après une matinée pour le moins sanguinolente (Uma Thurman voulait dézinguer un certain Bill), direction The Departed. Remarquez en passant l’incroyable à propos de la traduction française du titre original, « The Departed » signifiant « Les Défunts » et non « Les Infiltrés »… Ok, « Les défunts » c’est un peu moins fun et explicite, cependant il faut avouer que « The Departed » ça a un tantinet plus de souffle.

Scorsese nous revient donc très très en forme. Deux gars sortent de l’école de police, et, en gros, le gentil infiltre les méchants, et le méchant infiltre les gentils. Entre les deux, une seule et unique femme… La tragédie est là, avec tous ses ressorts dramatiques, manipulations, dilemnes, trahisons, et fin inéluctable.

La distribution est de haute volée. Nicholson, en patron de la pègre beauf et vieillissant cabotine à mort, et fout les jetons comme pas permis. Di Caprio est vraiment bon en flic torturé, sacrifié par avance au bien public (il a pourtant un lourd passif Di Caprio, y compris avec Scrosese). Et on peut aussi noter la jolie Vera Farmiga, qui a la lourde tâche d’être « La » femme, et réussit à faire exister son personnage assez trouble de psy indécise et menteuse.

Les dialogues sont enlevés (traduire : au moins un « fuck » ou « prick » ou « sucker » tous les deux mots… les sous-titreurs ont dû avoir la tâche ardue, et n’ont réussi qu’à en faire apparaître un sur mille). La mise en scène et le montage sont scorsesiens jusqu’au bout de la pellicule, noir, violent, tranchant, efficace. Certaines scènes m’ont fait me recroqueviller sur mon siège (p… le coup du plâtre…). Le tout est servi par une musique somptueuse (que ne pardonnerait-on pas à quelqu’un qui tourne une scène d’amour sur du Floyd, hein, dites-moi ?).

Brouillant les pistes d’une intrigue qui n’est un prétexte, Scorsese accentue la ressemblance entre ses deux acteurs jusque dans cette grandiose scène de poursuite entre les deux taupes, où on finit par ne plus savoir qui et qui. Même boulot, même femme, mêmes patrons, même destin, au final, quelles différences ? Bon, pour compléter cette critique indigente, et vu que j’ai une flemme du diable, je vous conseille d’aller jeter un coup d’oeil ici, tout y est dit !

Chronique film : Le Labyrinthe de Pan

de Guillermo del Toro

Curieux film que ce labyrinthe, pas vraiment qu’on s’y perde, mais on ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Fin de la seconde guerre mondiale, un ilôt franquiste cerné par la montagne et les maquisards. Ofelia et sa mère enceinte y rejoignent le nouveau mari de cette dernière, le capitaine cruel et fétichiste des lieux (Sergi Lopez à contre-emploi). La gamine est fascinée par les contes de fées, et, pour échapper à l’horreur de la réalité, se créé un monde fantastique, rempli de créatures tordues, dans lequel elle doit franchir plusieurs étapes afin de prouver qu’elle est une princesse légendaire.

Deux mondes en parallèle donc qui s’entrecroisent. Le film dans son ensemble est vraiment très sombre et violent, dans l’un et l’autre des univers. L’image est d’ailleurs très noire, beaucoup de scènes de nuit, ce qui n’aide pas forcément à apprécier les trouvailles visuelles à leur juste valeur (très jolie transformation d’une mante religieuse en fée notamment). Un vrai travail sur la bande-son enrichit vraiment le film (cricris des fées, couinements de mandragore, une berceuse toute simple, petit bulle de tendresse). On suit tout ça sans ennui, sans non plus une implication émotionnelle énorme. Quelques émerveillements de gosses, et surtout des interrogations sur où tout ça va nous amener…

Je vous livre le fruit de mes réflexions : à la fin, Ofelia, après avoir subi moult épreuves pour retrouver sa nature princière, choisi de se sacrifier pour sauver son petit frère innocent (ben voui, la maman était enceinte souvenez-vous), en parallèle, les maquisards zigouillent tous les méchants franquistes dans un méchant bain de sain. Le monde d’Ofelia ne serait-il pas une métaphore de la guerre qui ravage ? le sacrifice pour sauver des vies innocentes, patati patata ? Bon je sais, c’est légeounet, mais je n’ai pas trouvé mieux. Bref, un joli film, sombre et parfois violent, un chouille bancal, mais de bonne facture.

Chronique film : Coeurs

d’Alain Resnais

Bon, il y a des films qu’il vaut mieux voir quand on a la pêche. C’est le cas de Coeurs.
Dans un quartier glacial, sous une neige permanente, des gens plus banals les uns que les autres, célibataires, ou en passe de l’être, se croisent… Voila… Bon … Je ne sais pas trop quoi dire de plus, je vais mettre une petite photo :

Voila, ça c’est fait…

Pour vous dire la vérité, je suis très embêtée. Un ami m’a menacé de m’arracher les yeux si jamais je n’aimais pas ce film. Du coup, j’ai bien peur de ne pas garder ma fonction visuelle bien longtemps. Le scenario est insignifiant, les dialogues tout platounets, bien fades. Les acteurs sont de grande classe, comme à leur habitude, sauf Lambert Wilson, en roue libre (ahhh mais où est passé le Lambert Wilson tout en finesse de Gentille ?). La mise en scène est jolie, ben oui, c’est quand même du Resnais, mais le film est long, très long. Quelques interrogations mystiques, un regard acerbe (mouais) sur la vieillesse, des personnages zombies qui ne sont que solitude, c’est noir et glacé, pas de tendresse, pas d’amour, froid. Avec tout le respect que je dois à M. Resnais, Coeurs commence vraiment à sentir le film de vieux. Les cinq dernières minutes sont assez belles, et m’ont sauvé du baillement d’ennui.
Je vous avez dit qu’il fallait avoir la pêche, ben je n’avais déjà pas le moral, mais là, en mangeant mon plateau repas devant une k7, je me demande bien à quoi ça sert tout ça… en plus bientôt, je n’aurai plus de globes oculaires, alors…