Chronique livre : Le Bûcher des vanités

de Tom Wolfe.

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Là, tu cherches le rapport avec le titre hein ?
J’aime bien le mystère parfois. Clique.

Il y a vraiment des gens qui ne doutent de rien, et qui ont raison : sortir un premier roman de 900 pages sur la pourriture du monde c’est quand même sacrément couillu. Le Bûcher des Vanités est assez hallucinant de par la maîtrise du récit et de la construction. Malgré quelques longueurs, le livre tient méchamment la route, et si on a parfois envie de le jeter à travers la pièce c’est surtout à cause de ses personnages, tous plus veules les uns que les autres. Parce que oui, lire le Bûcher des vanités ne donne pas forcément une vision de l’humanité complètement sereine, ni une patate d’enfer. C’est un catalogue des pires tares de l’Homme concentrées en quelques personnages : mégalomanie, soif du pouvoir, lâcheté, aveuglement, superficialité… et j’en passe. Ce qui interloque surtout, c’est que ce livre, sorti pourtant en 1987 n’a pas pris une seule ride. J’irai même plus loin en disant qu’à l’heure actuelle, post (et pré ?) crise mondiale, il serait même en deçà de la réalité.

Un trader (comme on dit aujourd’hui) et sa maîtresse percutent un gamin noir dans le Bronx et s’enfuient. Délit de fuite donc. La mère du gosse, trouve du soutien auprès d’un révérend noir influent et retors. La police et le substitut du procureur, sous l’influence puissante des médias et des élections toutes proches dénichent le trader et trouvent en lui, non seulement un symbole de l’impartialité de le justice, mais surtout un parfait bouc émissaire. Oui, parce qu’en fait, ce n’était pas lui au volant… C’est donc une totale toile d’araignée dans laquelle est embrouillée le trader et plus il se débat moins il s’en sort.

C’est d’une drôlerie noire dévastatrice, mais le Bûcher des vanités nous livre un monde dans lequel il n’y a rien à sauver. On est incapable d’éprouver la moindre sympathie pour un seul des personnages tant ils sont odieux chacun dans leur style : les riches n’ont qu’une envie, devenir encore plus riches en écrasant la gueule des autres (genre Rolex vous voyez ?). Les classes moyennes convoitent le mode de vie de riches (argent, maîtresses, …) etc… A la fin du livre, j’avais envie de revoir un épisode de Casimir.

Un (long) moment passionnant donc à la lecture de ce bouquin, mais pas forcément un « bon » moment. Vous suivez ?

Chronique livre : Moi, Charlotte Simmons

de Tom Wolfe.

Il a fallu la critique de l’éminent Gols pour que j’extirpe du fin fond de ma pile à lire cette pavasse. Et ce roman est un pur régal, il m’a suffi de 15 jours pour venir à bout des quelques 650 pages grand format. C’est jubilatoire, mais totalement grinçant, et profondément désespérant.

Charlotte Simmons, brillante élève d’un lycée de cambrousse, rentre dans une des plus célèbres universités américaines : Dupont. Pleine de confiance en elle, Charlotte vise l’excellence. Malheureusement les codes sociaux ne sont pas les mêmes dans une université chic (!) que dans un lycée paumé, et la prude Charlotte se trouve confrontée à un univers qu’elle ne maîtrise pas et auquel elle n’est pas habituée : salle de bain mixte, alcool à flot, patois « fuck » et cul cul cul. La première partie est une critique virulente des universités américaines. Vu au travers des yeux choqués de Charlotte, Wolfe dresse le portrait d’une micro-société dépourvue de toute morale, toute poésie, bouffée par le politiquement correct, vénérant le corps, le sport et rejetant tout ce qui est du domaine de la pensée. La charge est lourde, mais tout de même très réaliste. On est dans un monde où le regard de l’autre prime sur la réalisation de soi, où les gars se planquent pour étudier parce que ça fait pas cool, le basketteur abruti qui a envie d’étudier de la philo se fait virer de l’équipe. Les étudiants passent 4-5 ans en roue totalement libre, « profitent » de ce break dans leur vie ultra-cadenassée : lycée strict avant, rentrer dans le moule maison-mariage-mioches après.

Dans la seconde partie, on assiste au changement insidieux qui s’opère en Charlotte. Cet univers là, Charlotte le rejette, tout en étant fasciné par lui. Wolfe décrit incroyablement (le monsieur compte plus de 75 printemps) à quel point l’adolescente est influençable. Malgré toute sa force de caractère (« Je suis Charlotte Simmons » se répète-t’elle pour se donner du courage), elle est incapable de faire abstraction du regard des autres, inconsciemment, elle rêve de cet univers, sans pouvoir en accepter et en appliquer les codes. Malgré sa pruderie, Charlotte est véritablement fascinée par les hommes (qu’elle trouve tous beaux !), et la sophistication des filles (elle dépense tout le fric de sa bourse pour s’acheter un jean à la mode). Au final, le livre est profondément désabusé, Charlotte finit par trouver un moyen d’appartenir à la caste qu’elle convoite (elle a le beurre et l’argent du beurre), les filles sont soit des chaudasses si elles en ont les moyens, soient des tiques, les gars sont ignomineux (Hoyt), lâches, ou dégoulinants d’ambition malsaine. La seule lueur d’espoir réside dans le sportif un peu neuneu qui commence à étudier Socrate. C’est peu.

Le livre est un brûlot, qui semble frôler parfois le réac, même si Wolfe s’en défend. Pas grand chose à sauver dans ce microcosme, les éclaircies sont minces, et mêmes les meilleures volontés abdiquent. Vous n’auriez pas une petite corde (mais avant un pack de bière, et une p’tite partie de jambe en l’air, fuck) ?