Chronique livre : Crash

de J. G. Ballard.

Ceci est une pomme accidentée. Clique.

Pfiou, je ne peux pas dire que je sorte de ce bouquin en sautillant partout en reniflant des fleurettes disséminées sous mes pas légers. Crash est un roman éprouvant, et rien d’étonnant que Cronenberg en ait fait un de ses films les plus dérangeants. Crash est une espèce de porno déviant qui sent la fin du monde, plein de bruit, de sperme et de fureur. Ecrit en 1973, le livre n’a en aucun cas perdu de son soufre : c’est ultra-moderne et nullement daté (juste peut-être dans les modèles de voitures, mais comme je n’y connais rien…). Personnellement restée scotchée et incrédule quand j’ai compris que l’histoire se déroulait à Londres, tant on a l’habitude que les univers ultra-urbains et déshumanisés soient plutôt américains, voire californiens. L’impact est d’autant plus fort puisque cette histoire se déroule dans l’univers habituellement cosy, rural et vieillot de l’Angleterre.

Crash raconte la fascination de son personnage (dénommé Ballard) et de sa belle femme, pour un certain Vaughan. Vaughan est un spécialiste de l’accident de voiture, et a développé une sexualité très particulière qui s’épanouit dans la tôle froissée, le verre brisé, et surtout les membres désarticulés, les cicatrices béantes. Nos deux respectables héros plongent peu à peu dans l’univers de Vaughan, et adoptent progressivement ses fantasmes. C’est très très cru, et pas forcément très ragoutant quand on est pas excité par les gros accidents de voitures. Mais on prend quand même une grosse claque en lisant ce bouquin.

Le regard de Ballard (auteur) sur ses personnages et surtout leur environnement est finalement assez froid. Les scènes de cul sont tristes à pleurer, le but n’est pas d’exciter le lecteur et le pousser à tamponner la bagnole de sa voisine pour avoir une érection, mais bien de décrire une société qui est arrivée au terme de quelque chose, une sorte d’aboutissement malsain, et dont les habitants dévient des standards pour se sentir vivants. La description de l’univers urbain, ultra-déshumanisé est scotchante. Au début du livre, le héros regarde depuis la fenêtre de son appartement au dixième étage : il ne voit rien d’autre que du béton. L’homme a tout colonisé, plus de place à la nature, étouffée sous des milliers de tonnes de macadam. L’immeuble est entouré par l’autoroute, l’aéroport, le centre commercial et les friches industrielles. La seule présence d’une quelconque « nature », c’est la prolifération de mouches se pressant sur les sucs divers de nos héros endormis dans une épave échouée sous la bretelle d’autoroute.

Les personnages sont arrivés au bout de ce qu’ils recherchaient : professions intéressantes et pas trop prenantes, argent. La femme roule en décapotable et passe son brevet de pilotage, le mari est publicitaire, pièce maîtresse dans la société de consommation. Pas d’enfant. Ce couple stérile, qui se perd dans des aventurettes sans lendemain, voit arriver Vaughan et ses perversions comme un aphrodisiaque à leur routine quotidienne. Ballard, loin de glorifier des pratiques sexuelles douteuses, en fait les conséquences déviantes d’une société consumériste à bout de souffle. Ajouter à ça que c’est magnifiquement écrit, et très honorablement traduit (malgré quelques tournures qui mériteraient sans doute d’être un peu modernisées), et on passe un grand moment.

Gerbant, mais un grand moment quand même. Et qui donne envie illico d’aller se faire des petits bisous dans les bottes de foin avec une petite robe en vichy rose.

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