de Maylis de Kerangal.
Chers lecteurs, me voilà bien en peine. Je suis partagée entre doutes et enthousiasme pour ce roman à succès d’une des plus grandes prêtresses de la littérature contemporaine.
Un jeune garçon plein d’avenir tombe dans le coma après un accident de voiture. Ses parents sont confrontés au douloureux choix du don de ses organes. Sur ce sujet très intime, Maylis de Kerangal compose une partition huilée et complexe comme elle sait si bien le faire. Elle joue de son omniscience pour décortiquer chaque geste, vie, situation comme une symphonie du grand tout, mêlant dans un même geste littéraire tous les fils du monde afin que leur invocation et agencement fassent naître quelque chose d’unique, un sentiment, une émotion ou sans doute quelque part une vérité. On retrouve donc le lyrisme de Naissance d’un pont, cette prose riche et complexe, très composée et englobante. C’est tout à fait maîtrisé et virtuose.
Mais. Voilà. Avec moi, ça n’a pas fonctionné. Cette omniprésence du style et de l’auteur m’ont éloigné de toute émotion. Pire, ça m’a gêné, mise mal à l’aise, sur un sujet aussi intime et délicat d’avoir choisi ce parti-pris, éminemment convaincant dans Naissance d’un pont, mais que j’ai trouvé complètement déplacé ici. Etait-ce vraiment le bon choix d’aborder ce sujet-là de cette manière ? Est-ce honnête de vouloir jouer avec les sentiments du lecteur de manière aussi ostensiblement outré ? Et par conséquent, qu’a voulu nous raconter l’auteur ? Quelle est la finalité de tout ça ? J’ai ressenti à peu près la même chose à la lecture Des hommes de Laurent Mauvignier. Une espèce de complaisance dans la douleur d’autrui.
Je comprends parfaitement le succès de Réparer les vivants, mais honnêtement, et malgré toute l’admiration que je peux avoir pour Maylis de Kerangal, je n’arrive pas à adhérer à cette démarche. Le prochain coup sera meilleur.
Ed. Verticales