Chronique film : Le Labyrinthe de Pan

de Guillermo del Toro

Curieux film que ce labyrinthe, pas vraiment qu’on s’y perde, mais on ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Fin de la seconde guerre mondiale, un ilôt franquiste cerné par la montagne et les maquisards. Ofelia et sa mère enceinte y rejoignent le nouveau mari de cette dernière, le capitaine cruel et fétichiste des lieux (Sergi Lopez à contre-emploi). La gamine est fascinée par les contes de fées, et, pour échapper à l’horreur de la réalité, se créé un monde fantastique, rempli de créatures tordues, dans lequel elle doit franchir plusieurs étapes afin de prouver qu’elle est une princesse légendaire.

Deux mondes en parallèle donc qui s’entrecroisent. Le film dans son ensemble est vraiment très sombre et violent, dans l’un et l’autre des univers. L’image est d’ailleurs très noire, beaucoup de scènes de nuit, ce qui n’aide pas forcément à apprécier les trouvailles visuelles à leur juste valeur (très jolie transformation d’une mante religieuse en fée notamment). Un vrai travail sur la bande-son enrichit vraiment le film (cricris des fées, couinements de mandragore, une berceuse toute simple, petit bulle de tendresse). On suit tout ça sans ennui, sans non plus une implication émotionnelle énorme. Quelques émerveillements de gosses, et surtout des interrogations sur où tout ça va nous amener…

Je vous livre le fruit de mes réflexions : à la fin, Ofelia, après avoir subi moult épreuves pour retrouver sa nature princière, choisi de se sacrifier pour sauver son petit frère innocent (ben voui, la maman était enceinte souvenez-vous), en parallèle, les maquisards zigouillent tous les méchants franquistes dans un méchant bain de sain. Le monde d’Ofelia ne serait-il pas une métaphore de la guerre qui ravage ? le sacrifice pour sauver des vies innocentes, patati patata ? Bon je sais, c’est légeounet, mais je n’ai pas trouvé mieux. Bref, un joli film, sombre et parfois violent, un chouille bancal, mais de bonne facture.

Chronique film : Coeurs

d’Alain Resnais

Bon, il y a des films qu’il vaut mieux voir quand on a la pêche. C’est le cas de Coeurs.
Dans un quartier glacial, sous une neige permanente, des gens plus banals les uns que les autres, célibataires, ou en passe de l’être, se croisent… Voila… Bon … Je ne sais pas trop quoi dire de plus, je vais mettre une petite photo :

Voila, ça c’est fait…

Pour vous dire la vérité, je suis très embêtée. Un ami m’a menacé de m’arracher les yeux si jamais je n’aimais pas ce film. Du coup, j’ai bien peur de ne pas garder ma fonction visuelle bien longtemps. Le scenario est insignifiant, les dialogues tout platounets, bien fades. Les acteurs sont de grande classe, comme à leur habitude, sauf Lambert Wilson, en roue libre (ahhh mais où est passé le Lambert Wilson tout en finesse de Gentille ?). La mise en scène est jolie, ben oui, c’est quand même du Resnais, mais le film est long, très long. Quelques interrogations mystiques, un regard acerbe (mouais) sur la vieillesse, des personnages zombies qui ne sont que solitude, c’est noir et glacé, pas de tendresse, pas d’amour, froid. Avec tout le respect que je dois à M. Resnais, Coeurs commence vraiment à sentir le film de vieux. Les cinq dernières minutes sont assez belles, et m’ont sauvé du baillement d’ennui.
Je vous avez dit qu’il fallait avoir la pêche, ben je n’avais déjà pas le moral, mais là, en mangeant mon plateau repas devant une k7, je me demande bien à quoi ça sert tout ça… en plus bientôt, je n’aurai plus de globes oculaires, alors…

Chronique film : Scoop

de Woody Allen

Après les péripéties guerrières d’hier, j’avais besoin d’un peu de légèreté. Direction Scoop de Woody Allen. Remarquez que je ne suis pas rancunière, son Match Point m’avait profondément ennuyé.

Ici, une jeune journaliste d’un bled américain (Scarlett Johansson – dorénavant incontournable – mais qu’a t’elle de plus que moi ? … bon, ok, tout) est visitée, lors d’un tour de passe-passe orchestré par un magicien à deux pounds (Woody, inénarrable), par le fantôme d’un reporter en quête de son dernier scoop.

Donc, jouons franc-jeu de suite : Scoop ne rentrera probablement dans les annales du cinéma. C’est de la quasi-grosse pochade, un scenario abracadabrantesque, des rebondissements à la truelle. Mais passons. Il y a un tel plaisir dans ce film, une telle jubilation à jouer ensemble pour Scarlett et Woody, que c’en est jouissif. Allen retrouve un peu son légendaire sens du dialogue, allant même parfois dans un côté légèrement scato inhabituel. On retiendra deux lignes énormes sur la religion juive (c’est vraiment le maître dans ce domaine) dont le grand : « – vous êtes de quelle confession ? – je suis né de confession hébraïque, mais je me suis converti au narcissisme. »

Le rythme est soutenu, de même que le débit des acteurs (purée, obligée de me taper tous les sous titres tellement ils causent vite). La musique est à l’avenant : ultra-connue (Peer Gynt et Casse-Noisette), légère et parfaite. Bref un bon moment, pas trop casse-tête, mais pas couillon non plus. Un bon cru quoi !

PS : vous croyez qu’en me teignant en blonde, et en me faisant poser des implants mammaires …

Chronique film : Mémoires de nos pères

(Flags of our fathers – FOOF pour les intimes)  de Clint Eastwood

Chers lecteurs, je suis tiraillée. D’une part, il y a un film de guerre de 2h30, genre que je déteste (hyper-sensibilité, mêlée à une incapacité totale à comprendre les méandres scénaristiques des films de guerre et d’espionnage). D’autre part il y a Clint Eastwood, mon amour de toujours, qui n’a toujours pas répondu à mes 274 demandes en mariage (je sais, je sais, il se fait plus tout jeune, il faudrait peut-être qu’il se grouille).

Bon.

Mon amour (pour Clint) a été plus fort que mon dégoût (des films guerriers), et je suis allée au charbon. FOOF est déroutant de part sa construction (scénario? montage?). En gros, durant la grande bataille de l’île d’Iwo Jima (US versus Japan), une photo est prise de 6 soldats en train de hisser un drapeau américain sur le point haut de l’île de bataille. Les caisses de l’Etat américain étant à sec, cette photo va servir au gouvernement à remobiliser les fonds nécessaires à la poursuite de la boucherie. Pour cela le gouvernement rapatrie 3 soldats présents sur la photo (ben ouais, les autres sont morts), les hisse au statut de héros (fort éphémère), et les exhibe comme des bêtes de foire pour ramasser des pépettes.

Le début est assez difficile à suivre, mélange de flash-back, de flash-front (oui je sais ça existe pas), on navigue entre plusieurs époques (3) et dans chaque période plusieurs événements. Inhabituel chez Clint, cette construction non linéaire. Certains y ont sûrement vu des maladresses, en ce qui me concerne, je dois avouer que, si au début, j’étais perdue, le dispositif se met en route progressivement, pour atteindre un efficacité redoutable par moment (association d’idées, réminiscences, … plutôt intelligent tout ça).

Les acteurs sont particulièrement falots et inexistants, et c’est exactement le but recherché : la thèse défendue est que les héros n’existent pas, et ne sont que des créations de la société.

Visuellement c’est magnifique. L’image est désaturée (on est quasiment en Noir et Blanc, enfin plutôt en verdâtre/gris foncé/gris clair), où seules ressortent les touches (rares) de rouge (le sang, les néons des bars, le coulis de fraises, le rouge à lèvre des dames et… le rouge du drapeau américain). On est en permanence en contre-jour, ou clairs-obscurs (un peu comme dans Million Dollar Baby), et c’est magnifique. La flotte des Marines entourant l’île, est vraiment impressionnante, une grande réussite visuelle. Réussies aussi les scènes de guerre (même si berk quand même). Il y a des plans magnifiques, comme ce soldat seul, perdu au milieu d’un champ de bataille dévasté, où seule résonne la voix lointaine d’un autre soldat qui appelle l’infirmier. Poignant (on se croirait dans Cris de L. Gaudé).

Mais alors, y’a quand même un truc… Bon, je sais bien que le film a dû coûter très cher… Je sais bien que c’est jouissif de composer de la musique… mais quand même… Clint, s’il te plaît, arrête de composer toi-même ta musique ! D’abord, tu fais toujours la même chose, et pis, c’est un peu de la soupe ta musique, faut être honnête.

Le bilan de tout ça : ben je n’aime toujours pas les films de guerre, je suis encore plus anti-militariste qu’avant, mais FOOF est plutôt un bon film, même si ce n’est pas du très grand Clint. Pour juger vraiment, il faut aussi attendre la sortie de la deuxième partie du projet : la même histoire, mais vue du côté japonais. Au fait, surtout ne partez pas avant la fin du générique (par ailleurs poignant).

Pfff pas le moral moi, avec tout ça, et pis la France vient de se prendre une énorme branlée rugbystique face aux all-black… C’est pas drôle. Envie d’un gros câlin ce soir…

PS : critique du deuxième volet de la saga ici.

Chronique livre : Voyage aux pays du coton

Voyage aux pays du coton
Petit précis de mondialisation
d’Erik Orsenna

de l’Académie française (rien que ça)
Fayard

Voila un moment que Voyage aux pays du coton me nargue dans cette vitrine. Illustré du bel idéogramme signifiant « coton » (association des trois idéogrammes : arbre, soleil/blanc et tissu), j’ai longtemps résisté à cause du sous-titre, craignant un ouvrage rébarbatif, bien-pensant et didactique. J’avais tort. Erik Orsenna s’est pris de passion pour l’histoire du coton, cette plante aux fruits pelucheux à laquelle nous sommes tous redevables, et il est parti sur ses traces du Mali à la France, en passant par le Brésil, les Etats-Unis, la Chine, l’Egypte, et l’Ouzbékistan.

Ce livre est donc le récit d’un voyage thématique, avec ses découvertes, anecdotes, rencontres. De ses rencontres avec des petits paysans maliens, brésiliens, ouzbeks, rencontres avec des ouvriers chinois, on ressort l’œil un peu humide : des millions, des milliards de vie, dépendantes d’une matière première sur laquelle ils n’ont finalement aucun contrôle, dans notre société de « trop », c’est la demande qui décide, et non pas l’offre. De l’autre côté, de son œil pourtant fort averti, il raconte de façon faussement naïve ses entrevues avec les puissants de ce monde (en gros les négociants et politiques américains, passages d’autant plus effrayants que racontés de manière assez brute, je le soupçonne de ne même pas en rajouter).

Ton enlevé, écriture délicieuse et poétique, le livre s’avale comme une confiserie, sans écœurement aucun. C’est aigre-doux, entre espoir et désespoir. J’ai lu quelques critiques plutôt déçues par ce livre « sans fond », une « succession d’anecdotes »… alors oui certes, Voyages aux pays du coton n’est pas un livre qui apporte sur un plateau une pensée prédigérée, c’est un livre en creux, qui donne à penser, un miroir partial et partiel de l’économie mondiale dans toute sa diversité et sa cruauté, qui distille sous un récit de voyage faussement bon enfant une peinture grinçante et complexe de notre société.

Le seul reproche que je peux lui faire, en bonne écologiste de métier c’est de ne pas insister suffisamment sur les désastreuses conséquences de la monoculture du coton. Il le fait, bien entendu (il lui était impossible de passer à côté de l’assèchement de la mer d’Aral, coincée entre Kazakhstan et Ouzbékistan, dû à l’irrigation des champs de coton, ainsi que la disparition rapide de la forêt amazonienne au Brésil pour laisser la place aux immenses cultures de coton notamment), mais de manière ponctuelle. Enfin, je mégote, l’ouvrage est court, impossible de développer tous les thèmes abordés.

Pour finir quelques morceaux choisis :

Au Brésil, Orsenna s’étonne de l’effectif (incroyablement faible) d’ouvriers dans les filatures, le patron rétorque :
« –Je sais, c’est encore un peu trop pour résister aux chinois. Quel est donc le secret de ces chinois, l’arme qui les rend si forts ?
Depuis longtemps j’ai réfléchi à cette question. Je vous livre ma réponse : les Chinois ont inventé l’ouvrier idéal. C’est-à-dire l’ouvrier qui coûte encore moins cher que l’absence d’ouvrier« .

Orsenna rencontre un manitou américain de la recherche génétique :
« –Je sais que vos lobbies antigénétiques sont parvenus à faire interdire la recherche. Interdire la recherche ! Comment acceptez-vous cet obscurantisme ? De plus en plus, (…), nous avons l’impression que l’Europe refuse son époque. Et se suicide. L’Europe, berceau de la science moderne !
Ce n’est pas le genre de propos qu’il est agréable d’emporter avec soi. Je ne recommande à personne une soirée dans un motel de Knoxville (Tennessee) en la seule compagnie d’une telle vérité. »

Dans les immenses plaines américaines :
« Qu’est-ce qu’un plat pays ? La sagesse locale donne la meilleure des réponses : ne t’inquiètes pas pour ton chien. Aucune chance de le perdre. Il peut s’enfuir où il veut, courir trois jours et trois nuits, jamais tu ne le perdras de vue. »

A Datang (Chine), capitale mondiale de la chaussette :
« Quatre hectares et neuf milliards de chaussettes (…). Des chaussettes jusqu’au vertige. Jusqu’à douter que l’humanité ait assez de pieds pour enfiler autant de chaussettes. »