Chronique film : Scoop

de Woody Allen

Après les péripéties guerrières d’hier, j’avais besoin d’un peu de légèreté. Direction Scoop de Woody Allen. Remarquez que je ne suis pas rancunière, son Match Point m’avait profondément ennuyé.

Ici, une jeune journaliste d’un bled américain (Scarlett Johansson – dorénavant incontournable – mais qu’a t’elle de plus que moi ? … bon, ok, tout) est visitée, lors d’un tour de passe-passe orchestré par un magicien à deux pounds (Woody, inénarrable), par le fantôme d’un reporter en quête de son dernier scoop.

Donc, jouons franc-jeu de suite : Scoop ne rentrera probablement dans les annales du cinéma. C’est de la quasi-grosse pochade, un scenario abracadabrantesque, des rebondissements à la truelle. Mais passons. Il y a un tel plaisir dans ce film, une telle jubilation à jouer ensemble pour Scarlett et Woody, que c’en est jouissif. Allen retrouve un peu son légendaire sens du dialogue, allant même parfois dans un côté légèrement scato inhabituel. On retiendra deux lignes énormes sur la religion juive (c’est vraiment le maître dans ce domaine) dont le grand : « – vous êtes de quelle confession ? – je suis né de confession hébraïque, mais je me suis converti au narcissisme. »

Le rythme est soutenu, de même que le débit des acteurs (purée, obligée de me taper tous les sous titres tellement ils causent vite). La musique est à l’avenant : ultra-connue (Peer Gynt et Casse-Noisette), légère et parfaite. Bref un bon moment, pas trop casse-tête, mais pas couillon non plus. Un bon cru quoi !

PS : vous croyez qu’en me teignant en blonde, et en me faisant poser des implants mammaires …

Chronique film : Mémoires de nos pères

(Flags of our fathers – FOOF pour les intimes)  de Clint Eastwood

Chers lecteurs, je suis tiraillée. D’une part, il y a un film de guerre de 2h30, genre que je déteste (hyper-sensibilité, mêlée à une incapacité totale à comprendre les méandres scénaristiques des films de guerre et d’espionnage). D’autre part il y a Clint Eastwood, mon amour de toujours, qui n’a toujours pas répondu à mes 274 demandes en mariage (je sais, je sais, il se fait plus tout jeune, il faudrait peut-être qu’il se grouille).

Bon.

Mon amour (pour Clint) a été plus fort que mon dégoût (des films guerriers), et je suis allée au charbon. FOOF est déroutant de part sa construction (scénario? montage?). En gros, durant la grande bataille de l’île d’Iwo Jima (US versus Japan), une photo est prise de 6 soldats en train de hisser un drapeau américain sur le point haut de l’île de bataille. Les caisses de l’Etat américain étant à sec, cette photo va servir au gouvernement à remobiliser les fonds nécessaires à la poursuite de la boucherie. Pour cela le gouvernement rapatrie 3 soldats présents sur la photo (ben ouais, les autres sont morts), les hisse au statut de héros (fort éphémère), et les exhibe comme des bêtes de foire pour ramasser des pépettes.

Le début est assez difficile à suivre, mélange de flash-back, de flash-front (oui je sais ça existe pas), on navigue entre plusieurs époques (3) et dans chaque période plusieurs événements. Inhabituel chez Clint, cette construction non linéaire. Certains y ont sûrement vu des maladresses, en ce qui me concerne, je dois avouer que, si au début, j’étais perdue, le dispositif se met en route progressivement, pour atteindre un efficacité redoutable par moment (association d’idées, réminiscences, … plutôt intelligent tout ça).

Les acteurs sont particulièrement falots et inexistants, et c’est exactement le but recherché : la thèse défendue est que les héros n’existent pas, et ne sont que des créations de la société.

Visuellement c’est magnifique. L’image est désaturée (on est quasiment en Noir et Blanc, enfin plutôt en verdâtre/gris foncé/gris clair), où seules ressortent les touches (rares) de rouge (le sang, les néons des bars, le coulis de fraises, le rouge à lèvre des dames et… le rouge du drapeau américain). On est en permanence en contre-jour, ou clairs-obscurs (un peu comme dans Million Dollar Baby), et c’est magnifique. La flotte des Marines entourant l’île, est vraiment impressionnante, une grande réussite visuelle. Réussies aussi les scènes de guerre (même si berk quand même). Il y a des plans magnifiques, comme ce soldat seul, perdu au milieu d’un champ de bataille dévasté, où seule résonne la voix lointaine d’un autre soldat qui appelle l’infirmier. Poignant (on se croirait dans Cris de L. Gaudé).

Mais alors, y’a quand même un truc… Bon, je sais bien que le film a dû coûter très cher… Je sais bien que c’est jouissif de composer de la musique… mais quand même… Clint, s’il te plaît, arrête de composer toi-même ta musique ! D’abord, tu fais toujours la même chose, et pis, c’est un peu de la soupe ta musique, faut être honnête.

Le bilan de tout ça : ben je n’aime toujours pas les films de guerre, je suis encore plus anti-militariste qu’avant, mais FOOF est plutôt un bon film, même si ce n’est pas du très grand Clint. Pour juger vraiment, il faut aussi attendre la sortie de la deuxième partie du projet : la même histoire, mais vue du côté japonais. Au fait, surtout ne partez pas avant la fin du générique (par ailleurs poignant).

Pfff pas le moral moi, avec tout ça, et pis la France vient de se prendre une énorme branlée rugbystique face aux all-black… C’est pas drôle. Envie d’un gros câlin ce soir…

PS : critique du deuxième volet de la saga ici.

Chronique film : Je vais bien, ne t’en fais pas


de Philippe Lioret

J’étais un peu énervée en sortant de ce film. Non pas qu’il soit mauvais, non, « Je vais bien, ne t’en fais pas », est indiscutablement un bon film.

La mise en scène est extrêmement fluide, pudique, légère, bref fort jolie et discrète. L’interprétation est vraiment impeccable, (lumineuses actrices, Mélanie Laurent, fragile, Isabelle Renauld -que cette femme est belle-, Aïssa Maïga, légère comme une plume, et côté mâle, Kad Merad, sobre et Julien Boisselier, craquant).

Mais le scénario… Pourquoi alambiquer une histoire, qui aurait pu être simplissime ? Tous les trucs scénaristiques se sentent à 300 km à la ronde (enfin pas pour la nana derrière moi, qui visiblement avait des petits problèmes de compréhension), ils sont à la limite du crédible, et transforment ce qui aurait pu être un chef d’oeuvre sur un passage à l’âge adulte, accéléré par la disparition d’un frère, en un seulement bon film. Le fait qu’on attende Le truc, casse l’émotion à la base, et quel dommage !

Je vais bien ne t’en fais pas reste quand même hautement recommandable, m’enfin, soupir quoi …

Chronique film : Little Miss Sunshine

de Jonathan Dayton & Valerie Faris

Ahhh que ça fait du bien de rire ! Sur les conseils, toujours très avisés de mon cher J., je suis allée voir Little Miss Sunshine. Je n’en avais nullement entendu parler, donc sans a priori.

LMS fait partie de ces films américains critiques et ironiques vis à vis du sacro-saint American Dream. Une famille, dans un « combi » (sorte de minibus) improbable, traverse les Etats-Unis pour que la benjamine (irrésistible petite gamine rondouillarde) de la famille participe à un concours de mini-miss.

Les personnages sont formidablement bien dessinés et interprétés (de l’oncle gay, suicidaire et spécialiste de Proust, au grand-père héroïnomane et obsédé). Le scenario, malgré quelques minuscules petites longueurs et facilités est un régal. C’est très joliment filmé avec un beau sens du cadre et des touches d’inventivité. On pense parfois à Jane Campion et Miranda July.

Le final est exceptionnel de drôlerie, après moultes péripéties, la gamine réussit à participer au concours de mini-miss et exécute sa chorégraphie … réalisée par le grand-père. Bon je ne vous dirai rien de plus, de peur d’en trop révéler. Courez voir Little Miss Sunshine ! Allez hop !

Chronique film : The Queen

de Stephen Frears

Il était temps pour moi de visiter la seule salle de cinéma de Dijon un peu « pointue » (lire : qui passe autre chose que de la VF et des superproductions). Sur un coup de tête, je quitte le boulot et je file au cinéma. Mon choix se porte sur The Queen de Frears. Je n’en ai pas encore entendu causer, je sais vaguement que ça parle de la Reine d’Angleterre, point barre. Mais Frears m’a valu quelques uns de mes plus beaux fous rires de cinéma (Ahhhh The Snapper, The Van), quelques chocs esthétiques (Mary Reilly), quelques bouleversements émotionnels (My Beautiful Laundrette). Le gars n’est pas très facile à cerner, mais son oeuvre est marquée par un beau regard et une grande humanité. Je ne prends donc pas trop de risques. A vrai dire au sortir du film, j’ai trouvé ça sympa, mais voila, maintenant, il me trotte dans la tête.

The Queen commence comme une comédie aigre-douce, personnages proches de la caricature, ou même carrément caricaturaux. Dialogues savoureux (à voir obligatoirement en VO !). Le cadre rigide du protocole royal cache mal la nature de ses protagonistes, marionnettes ou bouffons. De son côté la bande à Tony Blair, est présentée comme une assemblée de jeunes cadres dynamiques aux dents longues, résolument modernes, pas franchement sympathiques non plus. Voir Madame Blair servir du poisson pané à ses mioches dans une cuisine banale, en tablier, est assez surprenant. Je ne connais pas les us et coutumes de la famille Blair, mais j’ai des doutes : je ne pense pas que leur intérieur ressemble à un pavillon de banlieue et que Madame engueule son mari parce qu’il n’a pas fait la vaisselle, mais bon, après tout, je n’en sais rien.

Bref. Le film prend une tournure très différente après la mort de Diana. Tony Blair en profite pour se mettre en avant, tandis que la Reine s’enfouit dans sa résidence secondaire de Balmoral. Pour chacun, cet événement sera un tournant décisif. « Il n’y a jamais eu de précédent » à cet accident, imaginez, une ex-princesse royale qui casse sa pipe, ça ne s’est jamais vu. Tandis que la rancoeur du peuple grandit, envers cette Reine, qui ne veut même pas mettre un drapeau en berne pour leur Princesse de Coeur, c’est tout le monde codifié et rigide de la Reine qui explose, toutes ses certitudes qui volent en éclat. Son seul ami, se révèlera être Tony Blair, qui petit à petit se met à ressentir de l’empathie, et même de la sympathie pour ce personnage écrasé de solitude. Après ses débuts plutôt légers, le film prend un tournant plus tragique, et extrêmement émouvant (oui oui, j’ai même versé ma larme), pas à cause de la mort de Diana, mais pour La Reine, pour nous en fait, et toute personne qui dans sa vie doit affronter une perte de repères et une profonde remise en question (au passage, extraordinaire Helen Mirren, sublime). Ni brûlot pro ou anti-royaliste, Frears ne porte aucun jugement sur un état factuel de la politique anglaise, mais il s’attache à sa protagoniste principale et lui donne une portée universelle. Si c’est pas beau ça !