Chronique film : L’Hôpital et ses fantômes

 (saison 1) – 1994 de Lars Von Trier

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Alors là, je dois vous dire que je suis bluffée. L’Hôpital et ses fantômes n’a pas pris un quart de ride en treize ans. Vue religieusement sur Arte lors de sa sortie en France, conservée avec dévotion sur des VHS aujourd’hui probablement moisies, et achetée en DVD en guise d’auto-cadeau d’anniversaire par votre hôtesse la semaine dernière, c’est avec jubilation que j’ai revisionné les 4 épisodes de cette première saison.

Kingdom Hospital ne ressemble à rien qu’à lui-même, et ce n’est pas la pâlichonne copie américaine qui pourra dire le contraire (d’ailleurs, je me suis aperçue que tous les trucs réussis de l’ersatz viennent directement de chez Von Trier, à sa place, mes chevilles enfleraient sévère). L’idée d’un hôpital labyrinthique, peuplé de médecins fêlés, et de fantômes qui ne trouvent pas la paix, ressemble soit à l’exorcisme d’une phobie, soit à un gag de potache. Il semble que ce soit un peu des deux, brillant exercice de mise en scène, et récréation après et avant la réalisation de films beaucoup plus « sérieux ».

Le style Von Trier est déjà très affirmé. Image cradingue d’un orangé assez immonde, qui contraste avec les habituelles représentations de l’hosto (l’asepsie au Kingdom Hospital ne semble pas être une grande préoccupation de ses occupants), caméra à l’épaule, cadrages improbables et géniaux, rareté de la musique (mais quelle musique ! les deux accords de violon me trottent depuis quatre jours dans la tête), Lars Von Trier s’amuse, sans se foutre de la gueule du spectateur. Bien que mis sur pied avec deux bouts de ficelles, c’est très intelligemment tourné, très intelligemment monté, bourré d’inventions autant dans la mise en scène que dans le scénario. Bref, on est dans le très grand divertissement.

Tous les personnages, de la moindre infirmière au grand chef de service sont parfaits, interprétés par des acteurs assez incroyables. Ils y croient à leurs personnages fous, et du coup nous aussi. Von Trier ne laisse aucun détail au hasard, il n’y a qu’à voir le grand sourire de soulagement de l’étudiante en médecine qui ne supporte pas la vue du sang, lorsque le cours de dissection est annulé. On est pourtant en plan large, elle est en haut à droite de l’écran, mais elle est là quand même. Bravo.

Bien que l’Hôpital et ses fantômes ne soient pas une série à thèse, Trier en profite pour se moquer de ses voisins les Suédois (à moins qu’il ne se foute carrément de la gueule de ses compatriotes, ce n’est pas à exclure), des sociétés secrètes qui permettent à leurs membres une relative impunité, du système hospitalier à la hiérarchie oppressante etc, etc. Lors du générique de fin, c’est Trier lui même, l’oeil moqueur, qui nous convie à visionner la suite de la série. Comme dans Le Direktør, il tient bien à nous préciser que c’est lui le patron, même s’il est affublé d’un noeud pap’ immonde. Il aime manipuler les spectateurs marionnettes, et ça marche. Bon c’est pas tout ça, mais il me reste encore quatre épisodes à voir.

Chronique film : Boarding Gate

d’Olivier Assayas

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Au risque de paraître brutale, il faut bien avouer que Boarding Gate est un gros ratage. Le film lorgne sans l’assumer jusqu’au bout vers la série B, et nombre de scènes arrache in extremis des rires moqueurs. « Il va pas oser quand même ? » Ben si, il ose, mais pas assez. Malgré ses intentions, le film se prend très au sérieux, la pilule ne passe pas, et l’ennui gagne au bout de la … allez, je vais être gentille,… 10ème minute. Pleine d’échos catastrophiques sur la projection cannoise, j’étais toute prête à m’ériger en défenseuse du génie incompris, de l’artiste maudit. Mais là, non, je peux pas, y’a quand même des limites à la mauvaise foi.

Bon, on passe sans se retourner sur deux énormes erreurs de scriptes (des petits soucis de fermetures éclair et de sac à main), sur la myopie du chef op’ (à sa place, je m’inquiéterais), sur la musique vangelissienne à mort (il faut pendre l’inventeur du synthé, ça devient plus gérable là), sur l’histoire (ah y’avait une histoire ? oui oui, c’est un peu nikita sous ecsta). Je ne doute pas que tout ça soit fait exprès, le problème c’est que ça ne fonctionne jamais. Le film est bancal dans sa construction, avec une alternance de longs dialogues navrants, mal écrits, mal joués, et de scènes d’actions, un chouille meilleures, mais jamais captivantes, car souvent filmées dans un noir quasi complet.

Mais le gros problème, l’énorme erreur de ce film, c’est sa distribution. On passe rapidement sur Michael Madsen et Kelly Lin, qui, sans être géniaux, semblent avoir compris qu’ils étaient dans une série Z. On s’arrête une seconde sur Carl Loong Ng, qui a visiblement abusé de toxine botulique avant le tournage, et dont la mono-expressivité (l’oeil sombre et le sourcil froncé), font vite oublier qu’il est beau gosse, mais juste un peu casse-pompe. Et que dire d’Asia Argento… Sans jamais me faire hurler au génie, elle m’avait jusqu’à présent laisser un souvenir d’une neutralité parfaite. Son personnage dans Boarding Gate, est un témoignage vivant que le chaînon manquant existe bel et bien. Cheveu savamment gras mouillé (ah j’oubliais dans les erreurs de script le déplacement de la raie sur le côté), frusques effrangées, talons hauts trop grands, oeil sombre, moue boudeuse, chattemite pas nette, elle est surtout affligé visiblement d’un problème de mâchoire qui l’empêche d’ouvrir la bouche. Essayer de parler la bouche fermée en bougeant seulement la lèvre inférieure, vous verrez, c’est pas de la tarte, ça produit une espèce de cheucheuillement curieux. Les mots ainsi concaténés, sont peu distincts, et frôlent souvent le borborygme. Heureusement, ses partenaires semblent la comprendre. Une question d’habitude sans doute. Alors Asia Argento, pas dirigée ou mal dirigée, je ne sais, mais dès qu’elle apparaît à l’écran, on a envie de hurler « Rendez-nous Maggie Cheung ! ».

Pour finir sur une petite note positive, la caméra d’Assayas est joliment mobile et fluide, il filme notamment très bien les pieds qui montent ou descendent les escaliers…

 

Chronique film : La fille coupée en deux

de Claude Chabrol

C’est avec beaucoup de bonheur que je suis allée voir le dernier film de Claude Chabrol, c’est avec ravissement que j’en suis sortie. Dans le terrain toujours bien balisé du monde de la haute bourgeoisie, dont Chabrol aime disséquer les moeurs, souffle un vent de fraîcheur, incarné par la décidément délicieuse Ludivine Sagnier.

Comme à son habitude Chabrol joue allègrement avec les noms de famille de ses personnages, son ange blond, hitchocko-allenien s’appelle Gabrielle Deneige, et sur les ondes locales de la télévision lyonnaise, présente les prévisions météorologiques. Elle incarne cette nouvelle élite française, l’élite télévisuelle, qui écrase les anciennes idoles bourgeoises et intellectuelles. Mais Gabrielle Deneige est finalement loin du cliché de l’écervelée à l’ambition dévorante. Attirée par un écrivain intellectuel et pervers, Charles Saint-Denis (interprété par François Berléand, implacable), c’est en toute innocence, ou plutôt sincérité, qu’elle se livre à ses pratiques sexuelles particulières. Ayant rempli le cahier des charges, comme de bien entendu, la bête abandonne la belle. Gabrielle, désespérée, accepte alors de se marier avec un fils à papa fou d’amour et fou tout court. Magimel est assez magistral, dans un rôle incroyablement savonnette. Personnage profondément ridicule, Paul Gaudens (ah Chabrol, tu as le génie des noms) est pourtant fort inquiétant, car sur le fil de la raison en permanence. Un fois Gabrielle mariée à la famille Gaudens, l’homme perverti au nom de Saint, sera tué par l’homme de haute lignée au nom d’accessoire divin. Mais chez Chabrol, comme dans la vie, il n’y a pas de justice, et l’archange blond et déchu, livré en pâture à la vindicte populaire et médiatique, expiera pour les crimes des autres, pour mieux renaître, sous le feu de projecteurs plus modestes, mais plus sincères d’un spectacle de cirque.

Il y a un plaisir évident, une jouissance absolue de raconter une histoire, à montrer très peu pour dire beaucoup. Le film est d’une finesse totale dans ses détails (finesse n’est finalement pas le terme le plus adapté…), que ce soient dans les dialogues, les noms des personnages, leurs comportements même infimes, les décors. Ici, un obélisque miniature trône devant une photo d’une postérieure nudité, là un petit frôlement de doigt suggère qu’entre l’éditrice (Mathilda May, vivante et ma foi troublante) et l’écrivain, les rapports vont au-delà de l’amicalement correct. C’est d’une perversité chaste exquise, grinçante et réjouissante. Le générique arborant environ quatre noms et demi, l’ensemble possède un certain côté placo-plâtre propre à Chabrol. Il a pourtant apporté plus de soin que dans sa médiocre Ivresse du pouvoir, au cadre, et réussi à composer quelques plans assez jolis, tout en jeux de miroirs.

Comme Woody Allen, la jeunesse féminine et blonde lui redonne un souffle créatif évident, et la dernière plan en est un hommage criant. En cette moitié d’année 2007, et heure de moitié de bilan, il devient de plus en plus évident, que c’est dans les plus vieilles gamelles qu’on fait la meilleure soupe, qu’il y a plus de cinéma chez les Chabrol et Téchiné, que chez beaucoup de petits jeunes. Pas forcément très rassurant pour la suite…

Chronique film : Ratatouille

de Brad Bird

Aucun doute, Ratatouille est une réussite. Réussite sur le plan technique d’abord, le travail sur les textures, les matières, notamment la nourriture, est assez extraordinaire, sans tomber dans la tentation de l’hyperréalisme (les humains restent assez dessins animés pour être plaisants).

Basé sur une idée bien sympathique (un rat n’a qu’une envie, devenir un grand cuistot), le film se déroule sans temps mort. Bien que plongeant à fond des le cliché sur les frenchies, en marinière et béret, Ratatouille n’en est pas moins un grand hymne à la cuisine, au goût, et au bien-manger. En provenance du pays de la mal-bouffe, c’est assez savoureux.

La VF n’est cependant pas extraordinaire, malgré la présence au générique de guest-stars, notamment Camille, qui est bien meilleure lorsqu’elle pousse la chansonnette de fin du film. En espérant que ça donne envie à quelques mioches de manger autre choses que du hamburger et des frites…

Ah et une bonne surprise avant le film, un court-métrage Pixar, avec un extra-terrestre maladroit, vraiment sympa.

Chronique film : Harry Potter et l’Ordre du Phénix

de David Yates

Au risque de passer pour une neuneu totale, j’ai beaucoup aimé l’épisode n°5 de la saga Potter. J’y allais plus me remettre l’histoire en mémoire (j’ai le dernier volume sur ma table de chevet, en attente d’un rafraîchissement de cerveau nécessaire), que par réelle envie.

Beaucoup plus sombre que ces petits frères, HP5 étonne par son audace visuelle. Seul Cuaron avait jusqu’ici essayé, avec plus ou moins de succès, de mettre un peu de personnalité dans une machine ultra-produite. Yates y parvient assez souvent, malgré les grosses ficelles finales (le director’s cut c’est pas encore à l’ordre du jour).

On n’est souvent pas très loin du film d’horreur, et ça fout gentiment les jetons (gamine j’aurais pas dormi pendant une semaine après avoir vu ce film). Les décors sont assez fascinants, notamment le Ministère de la Magie, labyrinthe sombre et maléfique, la salle des prophéties avec ses milliers de boules de verre, et le bureau de Dolores Ombrage, au rose kitschissime, les assiettes de porcelaine aux chats miaulant accrochées au mur. Rien de clinquant ici, les bestioles sombres et inquiétantes, l’atmosphère lourde et poussiéreuse, concourent à créer une ambiance particulière, pas inintéressante.

L’autre grande réussite du film, ce sont ses acteurs. Ombrage (Imelda Staunton) justement est formidable en bonbonaille sadique et fascisante, la petite blondinette (Evanna Lynch) qui joue Luna Lovegood est vraiment parfaite. Et puis je craque toujours autant pour Gary Oldman, qui n’est jamais aussi sexy qu’avec barbichette et cheveux longs.

Malgré une fin un convenue (Oh ! C’est beau l’amitié !), Yates (un quasi-inconnu qui vient de la télé) a réussi un film inégal, mais efficace et intrigant. A suivre…