de Garth Risk Hallberg.
Livre concept de Garth Risk Hallberg, composé avant son best-seller City on fire, Vies et mœurs des familles d’Amérique du Nord (V&MFAN) séduit par sa concision et son originalité, là où City on fire explorait l’abondance et une forme de classicisme narratif « à l’américaine ».
Ici, le classicisme narratif « à l’américaine » subsiste en toile de fond (l’histoire de deux familles voisines banales dans une banlieue banale) mais explose par le dispositif formel. V&MFAN est un abécédaire partant d’ « adolescence » pour arriver à « vulnérabilité« . Pour chaque entrée, une photo et un fragment de l’histoire de ces deux familles. Le livre se lit dans l’ordre que l’on souhaite, chaque entrée est liée à plusieurs autres entrées, les photos, à la fois quotidiennes et mystérieuses, peuvent également signaler un lien entre deux entrées. La chronologie explose, les événements distants dans le temps se percutent à la lecture, révélant avec minutie les failles, les faiblesses, les blessures des personnages.
Lucide, tendre et cruel, V&MFAN confirme le talent de son auteur et le fait indubitablement rentrer dans le cercle restreint des dignes héritiers du grand Richard Yates.
Trad. Elisabeth Peellart
Ed. Plon
Attention à toi lecteur, si tu ouvres ce livre, jamais tu ne pourras le lâcher. Monsieur Toussaint Louverture a, une nouvelle fois, réussi à dénicher une pépite improbable. Celle-ci est traduite du russe, mais son auteur est arménienne. Si tu entres dans sa maison, pourras-tu seulement en sortir ? Car cette maison est bien mystérieuse. Elle abrite des enfants éclopés, beaucoup, qui passent pour la plupart toute leur vie, jusqu’à leur majorité (vraiment ?), dans cette maison. C’est un internat ou une école, un hôpital ou un centre de rééducation. Il y a aussi des adultes, pas beaucoup. Et quelques animaux, mais encore moins. Parmi les enfants il y a les grands et les petits, les filles et les garçons. Il y a aussi des groupes dont certains ont des noms. Mais pas tous. Par exemple le groupe 4 n’a pas de nom. Il a cependant un chef, l’Aveugle. Dans le récit, le temps ne s’écoule pas en ligne droite. On navigue entre plusieurs époques. Mais est-ce seulement dans le livre ou est-ce plutôt dans la maison ? Parce qu’elle est pleine de mystères cette maison, d’histoires, de légendes, de mythes. De sang aussi.
Deux couples amis, un enfant curieux, un chien qui sourit, des promenades, une gentille routine. Puis, il y a des vacances à la montagne pour l’un des deux couples. La rencontre avec une femme, une marche dans la montagne et le récit de son histoire, ou plutôt le récit d’une histoire qui n’en est pas vraiment une et de l’Histoire qui, elle, a vraiment eu lieu.
Impeccable, irréprochable, c’est ce qu’on se dit en posant avec émotion ce livre. C’est une histoire vraie, des paroles collectées par Emma-Jane Kirby, journaliste à la BBC. Mais ce témoignage, elle en a fait un livre, un roman. Le procédé pourrait être discutable, le résultat ne l’est pas. L’opticien de Lampedusa frappe juste.