d’Eric Pessan.
Parfois les libraires font bien leur travail et choisissent comme « livre du mois » une vieillerie de quinze ans (douze pour l’édition poche en ma possession, exhumée probablement des caves de l’éditeur vu l’odeur). Soit le premier roman d’Eric Pessan, L’effacement du monde, ou comment transformer toutes les relations ambiguës que l’on tisse avec la langue et les mots en une matière romanesque profonde, drôle, angoissante et sensible.
Notre personnage, père de famille et homme au foyer perd progressivement la capacité à comprendre ce que lui disent les gens, à parler, mais également à lire. Tout se brouille, se fond, s’estompe. Son monde se dissous. Au lieu de se dire qu’il a quelque chose qui cloche, il se dit que c’est le monde qui a quelque chose qui cloche. Il camoufle son état le plus longtemps possible.
Eric Pessan réussit à injecter dans son histoire, ou plutôt à élaborer son histoire autour des questions sur la langue. Comment cette chose immatérielle qu’est la langue se révèle être finalement le socle du monde matériel ? Comment sa disparition provoque t’elle la dissolution du monde ? N’y a t’il donc rien d’autre que les mots pour communiquer et créer des liens avec les autres ? Et c’est bien la grande réussite de ce livre, la prise en charge de questions fondamentales autour de la langue mais fondamentalement rêches, en un roman, subtil, intelligent, plein de suspens, à la langue parfaitement maîtrisée. Merci donc aux libraires qui font bien leur métier et font vivre les livres sur la durée.
Ed. La Différence.

Comment raconter le début du XX ème siècle ? Le siècle de l’émergence, de l’explosion culturelle et technique, mais aussi le siècle de l’industrialisation de toutes les absurdités et atrocités. Marcus Malte choisit une page blanche, un garçon muet, élevé en semi-sauvage par une mère trop jeune et trop folle. La mère meurt, le garçon prend la route, fait des rencontres, côtoie cette humanité qui ne sera finalement jamais la sienne, trouve l’amour absolu, le perd, utilise ses capacités de survie dans les tranchées de la guerre, dans un bagne en Guyane. Il parcourt les routes et le monde, franchit les montagnes de l’Histoire pour finalement s’éteindre comme il est né. Le garçon n’est qu’un catalyseur pour raconter ce siècle qui naît, les collisions entre les événements, les inventions, les décisions politiques.
Il faut peu de choses parfois (ici les premiers mots d’un texte) pour réaliser que les plaies ne sont et ne seront jamais refermées, pour dégeler les douleurs enfouies et leur redonner vie. A quatre mains, un historien et un écrivain relatent les attentats de janvier 2015, un peu avant, un peu après, pour rendre compte, poser sur papier les faits externes et les processus internes, ce qu’ils ont pensé, ressenti, à juste place entre le déroulement des événements et le début de la mise à distance. Et c’est bouleversant. Bouleversant de justesse des sentiments, et d’intelligence.
« Traîne-sauvage » est le terme désignant un type de luge au Canada. Tout commence ici par un quiproquo, une erreur d’interprétation. Pierre Sullivan est le collaborateur de Rosine Crémieux, infirmière résistante dans le Vercors puis déportée en 1944 à Ravensbrück avant de devenir une grande figure de la psychanalyse de l’enfant.