Chronique livre : Minsk cité de rêve

d’Artur Klinau.

J’aimais observer les façades de la Ville Jaune, y repérer des absurdités invisibles pour le passant pressé, mais manifestes pour quelqu’un qui étudiait la logique de l’architecture.

minskChers lecteurs. Les livres inachevés s’empilent sur ma table de nuit. Mes auteurs et mes éditeurs préférés me tombent des mains. Je baille d’ennui au bout de quinze pages si l’étincelle n’a pas déjà eu lieu. Non non, ne vous méprenez pas. La littérature n’est pas morte. Je n’ai juste pas la tête à ça en ce moment. Aussi quand une petite pépite me tombe dans les mains et me passionne de bout en bout, la surprise n’en est que plus éclatante et mérite que je me fende d’un petit billet.

Nouvelle publication de la toute jeune mais déjà grande maison d’édition Signes et balises, Minsk cité de rêve séduit d’abord par son petit format pratique, son esthétique épurée, la douce couleur de son papier (légèrement jaune comme la ville elle-même ?). Puis la découverte, une petite vingtaine de photos pleine page, disséminées dans le texte, de la ville de Minsk. Que voulez-vous, moi les images dans le texte, depuis que je suis toute petite, ça me fait craquer. Je cherche à reconstituer l’histoire par anticipation en sautant d’une illustration à l’autre, Jules Verne, Théophile Gautier et la Comtesse de Ségur, ils y sont tous passés à la moulinette de mes réinventions romanesques anticipées. L’exercice est bien entendu un peu plus acrobatique avec le magnifique Minsk cité de rêve. Entrecroisant dans de courts chapitres souvenirs et histoire de la ville, l’auteur emmène le lecteur dans une déambulation dans le temps et dans l’espace. La ville de Minsk se construit et prend vie sous nos yeux, de son architecture à ses habitants, de sa géographie à ses histoires. Travail d’orfèvre, le texte construit, déconstruit, reconstruit patiemment chaque recoin de la ville dans une prose poétique et entêtante.

J’aimais rechercher dans le texte de cette ville les étranges messages chiffrés qu’une main inconnue avait composés à l’intention d’un lecteur inconnu.

Artur Klinau joue des répétitions et du martèlement dans cette Cité du soleil située dans le Pays du bonheur. C’est un discours lancinant qu’on lui a appris, il y a du soleil au Pays du bonheur et on est heureux dans la Cité du soleil. Les Palais y sont majestueux, les places immenses, les statues fantastiques et les parcs accueillants. Mais progressivement, le discours et les murs se fissurent, le labyrinthe se complexifie. Il y a quelque chose du nouveau roman dans cette manière d’aborder la ville par sa géographie et son architecture. Mais pourtant ici il n’y a pas volonté de perdre, mais plutôt de révéler. Les façades et les moulures deviennent discours politique, l’éclat de leur face et surtout le délabrement de leur pile. Je ne vous en dit pas plus, je préfère vous laisser découvrir.

Passionnant, magnifiquement écrit et traduit, d’une rare intelligence, Minsk cité de rêve est une lecture salutaire et indispensable. Alors, qu’est ce qu’on fait maintenant ?

Ed. Signes et Balises.
Trad. (du russe) Jacques Duvernet.

Une réflexion sur « Chronique livre : Minsk cité de rêve »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.