Chronique film : Harry Potter et l’Ordre du Phénix

de David Yates

Au risque de passer pour une neuneu totale, j’ai beaucoup aimé l’épisode n°5 de la saga Potter. J’y allais plus me remettre l’histoire en mémoire (j’ai le dernier volume sur ma table de chevet, en attente d’un rafraîchissement de cerveau nécessaire), que par réelle envie.

Beaucoup plus sombre que ces petits frères, HP5 étonne par son audace visuelle. Seul Cuaron avait jusqu’ici essayé, avec plus ou moins de succès, de mettre un peu de personnalité dans une machine ultra-produite. Yates y parvient assez souvent, malgré les grosses ficelles finales (le director’s cut c’est pas encore à l’ordre du jour).

On n’est souvent pas très loin du film d’horreur, et ça fout gentiment les jetons (gamine j’aurais pas dormi pendant une semaine après avoir vu ce film). Les décors sont assez fascinants, notamment le Ministère de la Magie, labyrinthe sombre et maléfique, la salle des prophéties avec ses milliers de boules de verre, et le bureau de Dolores Ombrage, au rose kitschissime, les assiettes de porcelaine aux chats miaulant accrochées au mur. Rien de clinquant ici, les bestioles sombres et inquiétantes, l’atmosphère lourde et poussiéreuse, concourent à créer une ambiance particulière, pas inintéressante.

L’autre grande réussite du film, ce sont ses acteurs. Ombrage (Imelda Staunton) justement est formidable en bonbonaille sadique et fascisante, la petite blondinette (Evanna Lynch) qui joue Luna Lovegood est vraiment parfaite. Et puis je craque toujours autant pour Gary Oldman, qui n’est jamais aussi sexy qu’avec barbichette et cheveux longs.

Malgré une fin un convenue (Oh ! C’est beau l’amitié !), Yates (un quasi-inconnu qui vient de la télé) a réussi un film inégal, mais efficace et intrigant. A suivre…

Chronique film : El Camino de San Diego

de Carlos Sorin

18673961_w434_h578_q80Tati Benitez est bûcheron au fin fond de la forêt argentine, possède femme enceinte et 3 enfants, et les poches plus vides que mon frigo. Mais Tati est heureux parce qu’il est fanatique (au vrai sens du terme) de Diego Maradona. Quand le footeux se retrouve en soins intensifs, Tati est vachement triste, alors il décide de lui amener directement une racine trouvée dans les bois, et qui a la forme de Maradona (enfin, faut vraiment avoir la foi, pour lui trouver une quelconque ressemblance avec le pousseur de citrouille… m’enfin ce que j’en dis moi).

Il y a de belles choses dans ce film. Un regard sensible sur les gens qui n’ont rien, jamais moqueur, à capter les sourires qu’ils ont fort beaux, une très belle vision de la forêt, ce lieu un peu magique, peuplée de silhouettes d’arbres, et de bestioles mignonnes comme tout. Dans ce cadre naturel, premier, la foi de Tati dans le Dieu Diego apparaît comme quelque chose d’assez sympathique, bien qu’un peu fou, un truc extraordinaire, une lubie rigolote.

18753738Quand Tati part sur les routes, son bout de bois sous le bras, il traverse un pays bouffé par ses croyances, dans des idoles de toc. Diego, le seigneur et maître indétrônable bien sûr, la voyante, le curé, mais aussi Gaucho Gil, porte-bonheur de bois, attirant moult crève-la-faim qui n’ont plus rien à perdre, et dépensent leurs derniers sous à choisir dans des étalages sans fin, des colifichets de plastique.

Le film prend soudaine un ampleur particulière quand Tati s’approchant de la ville, pénètre dans la supérette d’une station-service. Aux babioles succèdent les innombrables produits de consommation. On imagine alors que le film va se faire critique d’un monde moderne, voué au Dieu argent et à la Déesse consommation, en lieu et place d’idoles de bois. Hélas il n’en est rien, et la fin, un peu niguedouille, ne tient pas vraiment les promesses esquissées. Manque d’opinion, du courage de dire clairement les choses, bref, d’un chouille de coucougnettes, le film se dissous lentement, dans un peu d’ennui, et pas mal de bons sentiments.

Chronique film : Boulevard de la mort

de Quentin Tarantino

BDLM est un pur film de gosse. L’action tient en peu de mots. Un vilain méchant balafré qui fait peur s’amuse à trucider au moyen de sa voiture pas belle, des groupes de filles toutes plus canons les unes que les autres, mais dotées d’une logorrhée verbale peu commune. Jusqu’au jour, où… il tombe sur une bande de grues encore plus folles que lui. Bref c’est pas bien lourd comme intrigue, mais ça tient assez bien ses 1h50.

Divisé en deux parties bien distinctes, la première est vraiment réussie et jouissive, la seconde un peu longuette (dans le genre poursuite en voiture, on a le droit de préférer Duel, hein, y’a quand même pas photo). Heureusement, la dernière minute relève assez brillamment et intelligemment le truc.

Plein de choses très réussies dans ce film, et assez marrantes. D’abord, les flottements temporels. Tourné comme un nanar des 70’s, film rayé, faux raccords, passage subit en noir et blanc, décors hors-d’âge, dialogues anachroniques, le film se passe pourtant bien de nos jours, avec le passage léger mais répété d’un téléphone portable textotant. On est dans un univers assez unique, fait de bric et de broc, de références d’hier, et d’objets d’aujourd’hui, bref, on est bien chez Tarantino, et pas ailleurs (il s’est d’ailleurs donné le petit, mais symbolique rôle du patron de bar).

Formidables également, toutes les actrices. Si je ne m’abuse, elles sont à peu près toutes passées par la série TV, pire que de la série B (autre référence indirecte ?). J’ai repéré des transfuges de Charmed, Les Experts à Pétaouchnok, p’tet Grey’s Anatomy et Tru Calling… à vérifier. Choix malin, car bien dirigées, elles sont parfaites (un peu trop physiquement d’ailleurs, c’est limite insultant pour les moins d’1m75 et plus de 50kg, à quand un Tarantino avec une ménagère popotte mais énervée ?).

Enfin, il faut bien dire que tout le film tient surtout sur ces dialogues interminables et hilarants. Ca part dans tous les sens, on y comprend pas grand-chose, et c’est émaillé d’un vocabulaire poético-vulgaire absolument fendard (à voir en VO obligatoirement). Les actrices débitent ça avec un naturel, et un phrasé vraiment intéressant, très fluide et chantant, sans aucun temps mort, limite musical. En parlant de musique, j’allais oublier la bande-son, nickel, comme d’hab.

Ca n’est pas du niveau de Pulp, on est d’accord, mais plus de l’ordre de la farce expérimentale entre potes. C’est léger et je ne pense pas qu’il faille chercher une morale à l’histoire (ou alors, les femmes sont l’avenir de l’Homme… mais des femmes comme ça, en même temps, j’ai franchement des doutes). En résumé, un film parfait pour le lavage de cerveau du dimanche.

Chronique film : Irina Palm

de Sam Garbarski

J’avoue avoir eu un peu d’appréhension avant d’aller voir ce film, de peur de n’y trouver qu’un ersatz loachien.Mais ce n’est pas le cas. Ca commence comme du Loach (un petit gamin va mourir s’il n’est pas envoyé en Australie pour se faire opérer, mais ses parents n’ont pas les moyens), mais le film vire assez vite, pour se recentrer sur le très beau portrait quasi muet, d’une femme assez insondable, timide, mais d’une incroyable force de caractère.

Maggie la grand-mère du gosse, popotte et flétrie avant l’âge, prend les choses en main, puisque, pour gagner l’argent nécessaire au sauvetage de son petit fils, elle se fait engager dans un sex-shop, comme «branleuse».D’abord apeurée et réticente, elle commence à s’y habituer, et il faut voir, un discret sourire sur son visage, après une petite passe réussie. Maggie qui, comme on n’arrête pas de lui dire, n’a jamais su rien faire, devient maîtresse du plaisir des hommes, et son premier sourire du film, est un sourire de contentement devant son travail bien fait. L’histoire du « Save-the-petit-fils » devient alors assez annexe, et c’est surtout la révélation d’une personnalité étouffée qui prend le relais.

A travers son nouveau métier, à travers ses rapports avec le patron de la boîte miteuse (excellent répugnant et émouvant Miki Manojlovic), Maggie sort de sa torpeur de femme au foyer planplan à la retraite, elle se découvre, physiquement (il faut la voir se regarder les mains pendant de longues minutes), et mentalement, comme une femme forte, aux envies et aux choix bien déterminés. Le film excelle dans cette répétition de gestes, d’habitudes (gestes répétitifs de Maggie, défilé des clients…), ces petits détails (Maggie se mettant en blouse de travail, posant sur la table un lubrifiant à la noix de coco…), mais aussi dans ces rares et brusques incursions du réel, dans le nouvel univers de Maggie (la colère incroyable de son fils, la belle et jeune collègue virée, parce que Maggie est trop douée).

Si Marianne Faithfull ne convainc pas forcément toujours (sa voix brisée, et son visage bouffi, ne colle pas vraiment au personnage), le film est cependant suffisamment bon pour qu’on passe outre. Une très bonne surprise.

Chronique film : Les chansons d’amour

 de Christophe Honoré

« Aime-moi moins, mais aime-moi longtemps« 

Dans un Paris tendance décrépit et grisâtre, on s’aime, on s’éloigne, on meurt, et on essaie de se reconstruire, tout ça, de préférence en musique, et en chansons.

Il y a quelque chose d’assez agaçant dans Les Chansons d’amour. Chez Honoré, on lit les bons livres (depréférence aux éditions de l’Olivier), on écoute la bonne musique, les lycéens déclament du Aragon dans les rues à 7 heures du mat’, et possèdent une bibliothèque digne de rendre jaloux les plus intellectuels des bobos, on est toujours fringué avec un détail retro-moche-qui-tue (d’ailleurs, Louis Garrel m’a volé mon écharpe-poulpe que j’ai faite de mes blanches mains). Bref, Honoré ne fait pas vraiment partie du même monde que le commun des mortels, on navigue dans un microcosme parisiano-parisien, et malgré quelques images de rues, de pauvreté et d’affiches déchirées, on n’en sort guère.

Mais voilà, les sentiments, les situations dont parle Honoré sont tellement universels que le contexte importe assez peu, il est même parfois un atout. Car dans cette sphère, il n’y a pas de tabous amoureux. Les sentiments ne dépendent pas d’un schéma type, ils naviguent de l’un à l’autre, garçons ou filles, à deux ou à plusieurs. Le film est mouvement, communication, liberté, et quand on n’arrive pas à se dire les choses, on les chante, et c’est d’autant plus poignant.

Honoré se révèle un maître es-personnages. En deux coups de caméra, et trois lignes de dialogues, il fait exister ses créatures de manière brillante,élégamment bien servi par sa pléiade d’acteurs, tous très justes.La mère poule, qui se mêle un peu trop des affaires de sa fille, la sœur aînée, oreille attentive et protectrice, la benjamine qui ne survit qu’avec un livre en poche. C’est très fin, et très précis, vraiment brillant. Et puis, évidemment, il y a Julie, la cadette indécise (Ludivine Sagnier), la lumière qui meurt trop vite, Ismaël, son fiancé qui n’assure pas toujours (Louis Garrel, en lévitation), et Alice, la troisième roue du tricycle, pont entre les êtres, et électron libre (Clotilde Hesme, lunaire).

Quand Julie meurt, de manière imprévisible et brutale, c’est tout ce petit monde là qui doit réapprendre à vivre. Et c’est magnifique de justesse et de pudeur. On est bouleversé à peu près toutes les deux phrases, sans pour autant qu’il y ait une once de pathos. Les sentiments deviennent universels, prennent de l’ampleur, chacun essaie de survivre comme il peut. Alors à ce moment là, on se fout que le petit breton ait l’accent auvergnat, que les play-back ressemblent à des post-synchros felliniennes, que les ados aient 25 piges, et qu’il y ait deux-trois longueurs. On se laisse emporter, on rit, on pleure et c’est assez magnifique. Peut-être pas le chef-d’œuvre du siècle, mais un bien beau film.