Chronique film : Public enemies

de Michael Mann.


Ennemie publique la tomate ? Clique pour vérifier.

Bon, pas le grand pied avec ce film il faut bien l’avouer, et une grosse déception de la part du réalisateur du millimétré Collateral. C’est bien simple, le film a une bonne heure de trop (vous aussi vous trouvez que ça fait beaucoup, n’est-ce-pas?), et toute la partie centrale est complètement assommante. Même failli m’endormir. Bref.

Public enemies c’est un film de gangsters, tiré d’une histoire vraie. Le scénario n’a strictement aucun interêt, ultra-balisé qu’il est (évasions, hold-up multiples, fusillades, et puis une nana parce que, quand même, il en faut une), alors forcément on devient un peu plus exigeant sur la mise en scène. Mann s’en sort parfois très bien avec quelques scènes magnifiques (le tout début, avec cette spectaculaire évasion, ou lorsque Dillinger visite le bureau quasi-désert des inspecteurs qui le pourchassent). Dès qu’il fixe son cadre et qu’il ouvre un peu ses plans c’est magnifique. Le travail qu’il effectue avec son chef op sur les profondeurs de champ est extraordinaire et toujours bien utilisé, accompagné de cadres parfaits. C’est vachement beau.

Malheureusement, la majeure partie du film se passe caméra à l’épaule. Et là, ça coince : plans trop serrés, trop rapides, rendent trop fréquemment le film complètement illisible et incompréhensible. A part Dillinger, sa copine et le flic, on est bien en mal de reconnaître qui que ce soit. Ce qui fait qu’on assiste avec lassitude à cette succession de braquages et de fusillades, arrosés d’une musique mélasse. C’est morne. En outre Mann passe ici complètement à côté d’un sujet : les rapports entre le crime et la lutte contre le crime qui s’alimentent mutuellement, dans un bain de sang, le fait que les crimes « visibles » focalisent l’attention des flics, alors que la vraie criminalité est ailleurs et autrement plus lucrative…

Il y avait de belles choses à faire avec ça. Mais il aurait fallu poser la caméra de dessus l’épaule, et visiblement, Mann avait acheté de la super glu. Un coup manqué donc.

Chronique film : Le roi de l’évasion

d’Alain Guiraudie.


Décomplexée ? Just clic.

Bon, je dois vous avouer mon immense perplexité face à ce machin. Ça ne ressemble à rien de connu, sauf dans la photo, aussi laide que dans Les Amours d’Astrée… de Rohmer.

C’est une espèce de Roméo et Juliette rural, Roméo étant un gras quadra, homosexuel, porté une drogue organique qui stimule les facultés physiques, Juliette une mineur de 16 ans mais toujours en 3ème qui n’a qu’une envie, se faire tringler. Voilà. Évidemment après quelques péripéties, Roméo et Juliette s’évadent, mais Roméo s’aperçoit que ce n’est pas ce qu’il veut et se barre. Ça se termine en partouze homo dans une cabane de chasse au fond de la forêt.

Rien à dire, c’est très original, très décalé, complètement décomplexé (ça pipe, ça baise, pas de barrière entre génération, une espèce d’ode au plaisir pour tout le monde sans jamais être choquant), le montage est vraiment intéressant, n’ayant peur de rien, la musique originale et les acteurs (surtout les seconds rôles) désarmants de naturel compte-tenu des situations tordues dans lesquelles ils sont plongés. Malgré tout ça, j’avoue que je me suis un peu ennuyée, original certes, mais pas passionnant tant le ton de Guiraudie est volontairement plat, dénué de tout sensationnalisme. Et puis quand même, il filme la nature comme une brèle, ça n’est jamais joli, les couleurs sont fadasses, les cadrages la plupart du temps très moches.

Assumé c’est sûr, mais finalement fade.

Chronique film : Whatever works

de Woody Allen.


C’est pas beau l’amour ? Cliquasse renégat.

Vu le monde dans la salle, force est de constater que le nouveau Woody était attendu avec avidité. Pas étonnant après le revigorant Vicky Cristina Barcelona. Et la salle, comme moi, a très bien accueilli ce nouvel épisode Allenien.

Obligé de tourner plus tôt qu’il n’en a l’habitude, Woody s’est retrouvé fort démuni, sans scénario nouveau. Il a alors ressorti d’un tiroir un vieux manuscrit, écrit pour un comédien décédé, et resté en l’état depuis. Ça se sent, le film étant une mitraillette à vannes grande époque.

Un vieux physicien cynique et désabusé ayant loupé d’un rien le prix Nobel rencontre une gourde fugueuse et ravissante. Le ton est étonnamment sérieux au départ, le personnage est carrément méchant, n’hésite pas à insulter des enfants et à leur balancer un échiquier dans la gueule. Woody ne devait pas être en forme ce jour là. Mais comme Woody a du mal à rester sérieux, surtout l’âge venant, le film tourne au burlesque de manière très enlevée.

Bon, ok, ce n’est pas un chef d’oeuvre immortel, mais le film est suffisamment drôle pour emporter l’adhésion, et comme dit le titre « Whatever works » qu’on pourrait traduire par « ce qui marche ». Allen a suffisamment de bouteille justement, pour que ça marche sans qu’il se casse trop la tête : la mise en scène est très théâtrale et pas révolutionnaire pour un sou, l’acteur principale n’est pas du tout convaincant, la fin est too much. Mais les dialogues sont tellement drôles, l’actrice (Evan Rachel Wood, qui a bien grandi depuis Profiler, Once and Again et Thirteen) absolument parfaite en gourdasse attendrissante (la nouvelle Scarlett Johansson de Woody ?), qu’on ressort de là avec la banane. Un bon moment.

PS: C’est la millième aujourd’hui… je dis ça en passant hein…

Chronique film : Les Beaux gosses

de Riad Sattouf.


Envie de retomber en adolescence ? clique.

Beaucoup de critiques dithyrambiques pour ce premier film du dessinateur de BD Riad Sattouf. Bon, pour être honnête, ce n’est quand même pas grand chose, et toutes les réussites du film sont grosso-modo dans la bande-annonce.

Rien de honteux non plus. Sattouf est fait pour le cinéma, ses cadres sont plutôt judicieux, il utilise bien son espace, sa direction d’acteurs est pas mal, au niveau documentaire sur l’adolescence c’est 100 000 fois plus réaliste qu’ Entre les murs. Malheureusement, le film manque furieusement de rythme, et entre deux bons mots, le film paraît interminable. Je veux bien que la branlette soit la préoccupation principale des gars de cet âge, mais le coup de la chaussette 5 fois, c’est p’tet un chouia trop pour marcher à tous les coups.

Les histoires secondaires parasitent gravement le film (avec le personnage du prof de bio suicidaire, la mort du grand-père d’un copain, ou la video de la maman chaudasse), et l’allongent inutilement. Heureusement le sourire revient à chaque apparition de Noémie Lvovsky, inénarrable mère collante et embarrassante, et d’Emmanuelle Devos en proviseur autoritaire, déstabilisée quand elle croise en survet et avec son amant le CPE, le héros et sa mère au supermarché.

Bon, c’est pas grand chose donc, mais c’est prometteur.

Chronique film : Antichrist

de Lars Von Trier.


Tu doutes, je parie. Clique.

C’est marrant comme parfois, tout le monde (ou presque) a tort. Honnêtement, j’ai du mal à comprendre l’acharnement critique contre ce film : c’était très drôle d’entendre les protagonistes du Masque et la plume tourner en ridicule le film, mais franchement, ils étaient complètement à côté de la plaque. Antichrist est un objet fascinant, qui vous happe quasiment dès le début pour ne rien lâcher. Effectivement, le prologue, très lent, d’un noir et blanc léché, sur musique classique, est un peu clippesque et ne convainc pas tout à fait. Mais ce bémol passé, difficile de se détacher de l’écran, et même les 3 connards malpolis et ricanants devant moi, n’ont pas réussi à me déconcentrer de ce spectacle.

Nul doute que Lars Von Trier va mal. Et comme c’est un immense metteur en scène, au lieu de rester à se torturer dans son coin, il choisit pour exorciser ses démons de réaliser un film. Et quoi de plus logique pour exorciser ses phobies que de choisir de réaliser un film d’horreur ? Parce qu’en fait, Antichrist, c’est ça : un immense film d’horreur, balayant tous les codes du genre. C’est sans doute ça d’ailleurs qu’on reproche à Trier : un metteur en scène reconnu et sérieux n’a plus le droit, passé un certain stade de notoriété, de réaliser un film d’horreur. Antichrist c’est une plongée entre Bergman, Coraline, Bug et Evil Dead. Trier retourne à sa veine fantastique de l’Hôpital et ses Fantômes et c’est formidable.

Un couple perd son enfant. L’homme est thérapeute. Il est persuadé qu’il peut aider sa femme mieux que les petits cachets. Entre hypnose et thérapie comportementale, il entraîne sa femme dans le lieu catalyseur de toutes ses peurs : un chalet nommé Eden, perdu en forêt, et dans lequel la femme et l’enfant ont passé tout un été tous les deux, pour qu’elle finisse sa thèse sur les « Gynocides ». Et là, ça part gravement en sucette. Visiblement, il y a quelque chose dans les bois.

Trier brasse allègrement les codes du genre : isolement du couple dans un univers cradouille et menaçant qu’il ne maîtrise pas (la nature, avec ses mystères, ses tiques, ses mammifères sanguinolents), vieux parchemins humides couverts d’images de bûchers et de tortures, révélation finale, ennemis intérieurs, … on retrouve beaucoup de clichés, que Trier utilise allègrement de manière taquine : il se fait plaisir en pastichant ces éléments, mais le tout est tellement cohérent, tenu, qu’il réussit à entraîner tout ça dans son univers à lui. Malsain, entre kitsch gore, exubérance noire à la Bosch, métaphores appuyées, Trier ose tout, va jusqu’au bout de sa démarche et réussit tout : Antichrist fait peur, agresse, provoque, interpelle, questionne malmène. Et comme dirait G. « c’est tout ce qu’on demande à l’Art ».

Alors vous dire si Trier est misogyne, moralement déviant, cul-béni, sadique ou je ne sais quoi, je n’en sais absolument rien (je défie bien quelqu’un de vraiment comprendre ce qu’il y a dans la tête de Lars Von Trier), et je m’en fiche un peu. La mise en scène est immense, inventive, audacieuse, les acteurs formidables, le twist final d’une classe aussi grande qu’inattendue, la bande-son obsédante. Un moment horrifique et unique.