Chronique film : La Comtesse

de Julie Delpy.

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Des envies de sang toi aussi ? Clique.

« Rien ne fait plus mal que d’être trahie par l’homme qu’on aime » dit la Comtesse Bathory en voix off, comme pour expliquer les raisons de sa folie. Car cette chère comtesse née en 1560 en Hongrie gère plutôt mal le chagrin d’amour. Au lieu de hurler de douleur en bouffant son oreiller, de lorgner les couteaux, de se taper la tête contre les murs pour essayer de se sentir vivante, elle préfère passer sa rage sur des jeunes vierges, et s’enduire le visage de leur sang virginal dans l’espoir de retrouver sa jeunesse perdue.

On ne peut pas dire que Delpy aime la facilité, et il faut avouer que son goût du baroque sanglant ne pouvait que piquer ma curiosité morbide. Et c’est plutôt une réussite. Formelle d’abord : costumes, lumières sont absolument somptueux. On se croirait chez de La Tour pour les éclairages, mais un de La Tour qui aurait piqué la balance des blancs de Whistler. C’est magnifique et glacé, sans pour autant tenir à distance l’émotion. Sur le fond ensuite, le film étonne. Bien loin de la simple évocation de la sanglante comtesse vaniteuse, Delpy réussit à créer un personnage complexe, fou, mais dont la folie explose lorsqu’elle se sent abandonnée. Elle porte une attention oppressante et intelligemment mise en scène sur la peur de la vieillesse : la comtesse n’a de cesse de traquer la ride, et l’examen méticuleux de son visage renvoie à l’angoisse de l’actrice face à son miroir (Opening Night), et plus généralement à l’angoisse de la femme seule face au temps qui passe.

Chronique film : Ensemble nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour…

de Pascal Thomas

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Sortir des aventures de Prudence et Bélisaire Beresford n’est pas une mince affaire pour Pascal Thomas. Revenant à un concept plus « modeste », Pascal Thomas peine à retrouver le rythme loufoque qu’il avait réussi à insuffler à ses précédents films. Il s’est lancé dans une comédie décalée, volontairement très modeste, mais servie par des acteurs au petit poil (et une très bonne costumière, si si, je vous assure, et pourtant, c’est pas vraiment mon truc de remarquer les costumes, et une très bonne musique).

Dorothée et Nicolas tombent amoureux lors d’un festival de danses folkloriques. Malheureusement, il est catalan, elle est poitevine (je crois). Mais le petit coiffeur part rejoindre sa belle à travers champs pour enfin vivre une très, très grande histoire d’amour.

Probablement sous le charme de ses acteurs (et avec raison, Marina Hands et Julien Doré sont assez irrésistibles), Thomas ne réussit pas à trouver une rigueur de mise en scène et un rythme essentiel à toute bonne comédie. Le film alterne moments poilants, et grandes longueurs que les acteurs seuls n’arrivent pas à sauver tout à fait. Rien de calamiteux certes, on ne s’ennuie pas vraiment, mais on ne se passionne pas non plus. Et surtout on se désole que le metteur en scène au petit poil de Mon petit doigt m’a dit ou Le crime est notre affaire n’ait pas autant poilsé cette nouvelle comédie, qui avait pourtant toutes les bonnes cartes en main au départ (scénar, acteurs, équipes techniques…).

Un joli moment cependant, avec de beaux personnages.

Chronique film : Alice au pays des merveilles

de Tim Burton.

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Chapelière folle ? Clique.

Une jolie surprise que cette Alice à la mauvaise presse. Balançant une Alice pâlichonne de 20 ans dans un pays des merveilles dont elle a tout oublié, Burton réussit à imprimer sa marque sans lourdeur au mythe Carrollien. Car c’est une formidable idée d’avoir fait grandir cette Alice, permettant de ne pas essayer de se mesurer à la noirceur enfantine de Lewis Carroll, tout en utilisant son foisonnant univers.

Alice ne se remet pas de son enfance et à bien du mal à la quitter. Son père est mort et faire durer son enfance lui permet de ne pas l’enterrer tout à fait. Arrivée à un tournant de sa vie, le jour de ses fiançailles avec un Lord ridicule, la frêle Alice replonge maladroitement dans le pays des merveilles de son enfance (tout d’abord dénommé par Carrol l’Underland, à la signification beaucoup plus limpide). C’est en replongeant à nouveau dans son enfance, en retombant littéralement en enfance, en retrouvant l’Alice qu’elle était avant, que cette post-ado à la frontière entre deux âges, jamais à la bonne taille, réussit à trouver son chemin. Grande idée, très cinématographique donc que celle de Burton.

Belle réussite aussi que cette galerie de personnages secondaires : Johnny Depp et Helena Bonham Carter, bien évidemment, énormes comme d’habitude, ou encore une impayable Anne Hathaway, qui en seulement quelques minutes compose un personnage de reine blanche totalement hilarant. Chose inhabituelle chez Burton, c’est finale

ment les décors ou encore les personnages entièrement numériques qui surprennent le moins. Rien de rédhibitoire, le film est très joli, l’univers est beau, fouillé, collant parfaitement à l’imagerie Carrollienne (la robe trop grande d’Alice semble même copiée sur celle portée par la « vraie » Alice, Alice Liddell, mais on sent finalement que ce qui a le plus motivé Burton est cette retombée en enfance pour trouver sa voie.

Un moment joyeux, rigolo et coloré. Pas le meilleur des Burton certes, mais sans aucun doute pas la catastrophe annoncée par la presse.

Chronique film : Les chèvres du Pentagone

de Grant Heslov.

On est d’accord, c’est très premier degré.
Contrairement au film.
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Les chèvres du Pentagone ne resteront sans doute pas dans les annales du grand cinéma, mais il faut avouer : on se marre vraiment bien et d’un bout à l’autre du film. Tiré de faits réels (si si, il paraît), le propos du film est pourtant énormissime : l’armée américaine aurait créé une force spécialisée dans le parapsychique. En fait d’armée, c’est plutôt une bande de babas shootés au LSD, persuadée de réussir un jour à passer au travers des murs. Des situations cocasses, une bande d’acteurs au taquet et un sens du rythme et du gag affûtés, voilà qui permet à Heslov de tenir son film. Et c’est un régal de voir Clooney et son auto-dérision jouer un jedi sûr de ses pouvoirs, ou Jeff Bridges (à nouveau fantastique ici, dans un tout autre registre que celui de Crazy Heart), en militaire ami des chèvres et des acides. La plupart des gags tiennent à peu de choses finalement, mais fonctionnent presque tous. Et puis il y a les yeux verts d’Ewan McGregor qui m’ont toujours fait craquer même quand il n’était pas vraiment un acteur. L’ancien Jedi (au propre cette fois-ci) s’en sort bien, et après le très beau Ghost writer, 2010 semble être « son » année. Un très bon moment, déjà quasiment oublié, mais qui vaut son pesant de crottes de chèvres.

Chronique film : Crazy Heart

de Scott Cooper.

 

Les grands espaces ? clique.

Un peu zappé de faire la critique de ce petit film, voilà un oubli réparé. Crazy Heart est un film agréable surtout parce qu’il a l’appréciable qualité de rester à sa place de petit film, et de ne pas essayer de péter plus haut que son cul. Scott Cooper a juste l’ambition de nous raconter une petite histoire d’un chanteur de country has-been qui essaie de retrouver un nouveau souffle. Et il le fait avec modestie, se contentant de filmer l’énorme performance de Jeff Bridges sans pour autant se vautrer dans le voyeurisme. Car Jeff Bridges est vraiment énorme dans ce film, créant un personnage plus vrai que nature, à la fois crade et touchant, un personnage de gars qui sent la sueur et la pisse, mais capable de faire des sablés dans une jolie parodie de vie de famille à laquelle il voudrait croire. La réussite de Scott Cooper est justement de filmer son acteur dans son rôle typiquement « à Oscar » juste à la bonne distance, n’évitant pas les clichés sans pour autant s’y complaire. Il filme la résurrection d’un homme qui s’était perdu avec grâce. Le reste de la distribution tient bien la route également, notamment la toujours convaincante Maggie Gyllenhaal. Je ne vous cache pas qu’il faut serrer les dents lors des (relativement rares et heureusement) morceaux de country, qui ne me semblaient pas vraiment transcendants, mais je ne suis pas vraiment pointue sur le sujet. Bref, un joli moment.